Réédition de décembre 2010 

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Sur le coup, Paloma n’est pas trop inquiète. Elle se dit qu’il doit y avoir une explication logique à cet arrêt soudain.

À côté de la cuisine, il y a une pièce qu’ils appellent le cellier. Pas vraiment une cave, malgré les trois marches pour y descendre, pas vraiment une pièce normale, non plus puisqu’elle est aveugle. Un cellier. Là il  y a la chaudière, et des étagères où Paloma stocke tout ce qui peut être utile pour la cuisine, les pommes et les pommes de terre, les conserves, la réserve d’eau minérale, de lait, de vin. Elle aime bien cette pièce et son charme désuet. La chaudière est vieille, c’est une chaudière au fioul, voilà pourquoi elle ronronne. Hervé et elle ont décidé qu’ils la changeraient plus tard, elle a l’air costaud, son seul inconvénient est le bruit. Mais avant la chaudière, il y avait d’autres priorités : la toiture, la cuisine, la salle de bains, pour qu’ils puissent vivre d’une manière confortable.

Mais voilà, Paloma constate que le gros voyant rouge qui indique que la chaudière fonctionne est éteint. Il reste peut-être une chance : le fusible ! C’est déjà arrivé et Hervé lui a montré quel fusible est relié à la chaudière.

- Il est indispensable que tu le saches, sans chauffage on est mal, et si ça t’arrive quand je suis absent.

Et bien justement il est absent ! Le tableau de fusible est dans la même pièce et Paloma a soigneusement étiqueté chacun d’eux. Elle remplace le fusible de la chaudière. Rien à faire, celle ci reste éteinte et muette. Panne de fioul ? Impossible ! Là aussi ils ont prévu, et la jauge est très haute.

Paloma commence à s’inquiéter. Que faire ? Même si elle trouve un dépanneur en cherchant dans l’annuaire, ce sera le même problème que celui de la voiture, il ne pourra pas venir !

En se dirigeant vers le téléphone, elle repense à sa pensée du matin : ” il ne manquerait plus que le téléphone soit coupé ! “

Puis soudain lui vint une idée, elle se dit qu’au lieu de feuilleter l’annuaire, elle va appeler le maire du village. Il a la soixantaine, comme beaucoup d’autre il a une chaudière au fioul, et depuis le temps qu’il habite là, il doit bien connaître quelqu’un capable de l’aider, avant que la témpérature baisse.

Le brave homme répond tout de suite. Il doit être scotché à son téléphone, avec tous les problèmes de voirie, d’accidents, de pannes. Paloma lui explique sa situation. M. le Maire est vraiment désolé, il connait bien un dépanneur, il va essayer de le joindre.

- C’est Jean-Louis, un ami, il a un gros camion, il fait les livraisons de fioul aussi, je ne pense pas que la neige l’empêche de passer. Il est en congé, mais il ne refusera pas de vous aider. En attendant, mettez vous au chaud sous un édredon. Je vous rappelle dès que j’ai réussi à l’avoir, ou lui vous appellera.

Paloma remercie mille fois. Il est cinq heures, il commence à faire nuit. Plutôt que de monter dans la chambre, Paloma préfère descendre les couvertures, au moins elle sera près du téléphone. Elle se maudit intérieurement : Hervé lui a demandé dix fois d’acheter des téléphones sans fil, un pour le rez de chaussée, l’autre pour mettre dans la chambre, mais elle pensait qu’il n’y avait pas urgence. Résultat, la voilà avec un téléphone filaire dans le salon, comme sa grand mère !

Elle se souvient qu’elle n’a pas fermé la grange garage, ni la porte extérieure. Tant mieux, elle n’aura pas à courir ouvrir au dépanneur.

Le temps passe. Paloma somnole devant la télé. Mais elle commence à avoir sérieusement froid. Enfin le téléphone sonne. Elle se jette dessus.

Elle entend une voix presque inaudible derrière des crachouillement, comme si on l’appelait du Pole Sud. Elle comprend vaguement les mots ” chaudière, maire “, et que l’homme en question va venir. Puis la voix redevient audible, et son interlocuteur l’interroge sur la route de campagne qu’il doit emprunter, une fois qu’il a passé le carrefour aux alouettes. Elle explique du mieux qu’elle peut, et le crachouillement reprend tandis que l’homme parle d’heure et de tournée, avant de prendre congé. Paloma n’a pas tout compris, mais l’homme vient. Quand, comment, c’est une autre histoire !

à suivre