Réédition de décembre 2010

———————-

table_bois.jpg

Paloma sent ses pieds s’engourdir. Même sous la couette, même bien couverte, la maison n’a plus son côté accueillant et chaleureux. Et l’heure tourne ! Que faire ?

Finalement elle regarde une série, est prise par l’histoire pendant un petit moment et finit par s’assoupir. Quand elle ouvre les yeux, il est déjà 22 h. Et toujours aucune nouvelle du dépanneur. Et si elle appelait le maire ? Mais c’est gênant de le déranger à cette heure là. Quelle idée elle a eu de s’endormir, au moins elle aurait pu avoir le numéro du fameux Jean-Louis et le rappeler ! 

D’un autre côté comment faire pour passer la nuit dans ce froid ? Paloma songe au petit radiateur soufflant de la salle de bains, mais ça ne suffira pas à réchauffer la chambre.

Quand à la cheminée, là aussi elle s’en veut. Elle et son mari devaient la faire ramoner, vérifier si elle fonctionnait, et ils ne l’ont pas fait. Et de toutes façons, où trouver du bois ? Il y a bien quelques bûches dans la grange, mais elles doivent être humides, et elle ne sait même pas allumer un feu.

Soudain un bruit dans la cour la fait sursauter. Un bruit de camion ! Mon sauveur ! Oubliant le froid, elle jette la couette sur le canapé, et se précipite dehors pour faire signe au chauffeur. Le camion est garé, l’homme saute en bas. Elle s’approche tandis qu’il entre dans la lumière projetée par la lampe extérieure.

Il doit mesurer deux mètres ! Non n’exagérons rien, mais plus d’un mètre quatre vingt dix, c’est sûr. Il a une carrure d’athlète, une peau hâlée, entre 30 et 40 ans. Puis elle est surprise par le bleu porcelaine de ses yeux, comme une tache de lumière au milieu de tout l’ensemble. Il est habillé de couleurs sombres, il a des traces de cambouis sur les mains et le visage, les cheveux mouillés et décoiffés.

Paloma se dit qu’elle verrait bien cet homme en marin, en pilote de petit avion, en astronaute, en pompier, en soldat…
Mais pas en dépanneur de chaudière au fin fond de la campagne.

- Bonsoir Madame ! Je ne vous ai pas oubliée, désolé pour le retard ! Bon montrez moi où ça se passe !

Paloma guide Jean-Louis vers le cellier, et reste plantée là à regarder le géant se pencher vers la chaudière. On dirait que la maison n’est pas à sa taille, c’est devenu une maison de poupée. Elle ne peut s’empêcher de penser à Hervé, de taille moyenne, carrure moyenne, plutôt blond et raffiné.

- Allez vous mettre au chaud ! Je vous appelle dès que c’est fini.

Paloma revient sur ses pas. Avant de retrouver la couette et le canapé, elle passe par la salle de bains. Son maquillage a coulé, normal depuis le matin et après un somme. Elle regarde ses joues pâles, ses cheveux récemment teints en roux foncés. Ça va, je suis plutôt jolie. Un peu mince et fragile pour la campagne, c’est sûr. Heureusement que le dépanneur n’est pas un méchant. Elle se recoiffe, se remaquille et repart au salon.

Après quelques bruits étranges, quelques coups de clé à molettes par ci par là, l’homme sort de sa cale…  enfin du cellier :

- Voilà ma petite dame, c’était la voile arrière qui prenait le vent, du coup la barre naviguait de travers, et l’hélice se coinçait…

Bien entendu ce n’est rien de tout ça, des mots techniques que Paloma ne comprend pas, mais elle préfère imaginer Jean-Louis en marin.

- Merci mille fois ! Je ne me voyais pas passer la nuit dans ce froid ! Je peux vous offrir un café ?

- Ma foi, ce n’est pas de refus. Et moi je vais vous offrir un calva, ça réchauffe !

Il sort de sa caisse à outils une bouteille pleine et visiblement neuve :

- Cadeau d’un client cet après midi ! Vous avez du bois quelque part ? Pendant que vous préparez le café, je vais vous faire un feu, ça vous aidera à patienter en attendant que la température remonte.

Paloma est aux anges, cet homme est la providence même !

Ils se trouvent attablés devant un café et un calva. Jean-Louis s’est débarbouillé, elle le trouve encore plus beau sous la lumière de la cuisine.

L’alcool la réchauffe. Le feu crépite dans le salon. Jean Louis observe les poutres apparentes, tandis qu’elle regarde fascinée une veine de son cou :

- Vous habitez là depuis longtemps ?

Elle parle, elle raconte leur installation, leurs projets. Cela l’aide à ne pas trop fixer cet homme qui l’attire comme un aimant. Du calme ! Concentre toi sur la vaisselle sur l’évier !

Jean-Louis parle aussi, il lui explique où il habite, avec sa femme et leur petit garçon. Il dit qu’ils voudraient bien eux aussi une vieille maison à retaper, plutôt qu’une maison en lotissement, mais ce sera pour plus tard.

Le ventre de Paloma gargouille. Elle réalise qu’elle n’a pas mangé depuis le matin :

- Avec tout ça, je m’aperçois que je n’ai même pas mangé ce midi ! Ça vous dit de partager une omelette ?

L’homme se gratte le menton :

- C’est bien tentant ! Il est tard, je pense que ma femme n’a pas du m’attendre pour dîner. Et le petit doit être au lit. Je sors deux secondes, le temps de lui passer un coup de fil. Et merci de l’invitation !

à suivre