Réédition de décembre 2010

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Le lendemain matin Paloma a presque oublié la voiture en panne. Elle se lève, s’habille pour aller travailler. Pendant qu’elle prend un café, elle se met à rêver que le dépanneur sera le même que celui de la chaudière.

À 8 h, une camionnette entre dans la cour. C’est un homme jovial, rondouillard, qui lui change sa batterie en deux temps trois mouvements, et laisse sa voiture tourner.

Paloma reprend le chemin du bureau, en ayant l’impression de changer de vie. Toute la journée, elle pense à autre chose, rêvasse, traîne, se demande si elle va préparer un repas pour Jean-Louis, rougit en y pensant.

Toute la journée elle oublie qui elle est, qu’elle est mariée, sérieuse, posée, sans fantaisie. Le midi elle a enfin eu Hervé au bout du fil. Elle a raconté son aventure, omettant bien sûr le dîner, et même le feu de bois… Hervé pourrait prendre ombrage du fait qu’un mâle allume un feu pour réchauffer sa belle, signe de virilité indéniable, alors que lui n’a jamais eu l’idée d’essayer la cheminée.

Elle invente qu’elle ne savait plus où elle avait mis son portable, qu’elle l’a finalement retrouvé dans sa chambre, mais du salon, emmitouflée sous une couette avec le son de la télé, impossible de l’entendre.

Petits mensonges, petits arrangements avec la vérité. Mieux vaut préserver la paix des ménages. Si ça se trouve Jean-Louis ne reviendra pas ce soir, elle ne reverra jamais, alors à quoi bon alarmer son mari ?

Mais Paloma souhaite quand même que Jean-Louis revienne ! 

Le téléphone fixe ? Ah son patron lui a dit que plusieurs foyers avaient eu des problèmes, la tour Hertzienne, il parait ! Pas d’inquiétude, cela va s’arranger, de toutes façons, elle ne va plus lâcher son portable.

Paloma rentre très tôt chez elle, comme si elle s’attendait à ce que Jean-Louis arrive dès 17 heures. Ensuite elle tourne en rond, nerveuse. Se remaquille dix fois, arrange une fleur sur la table, un coussin sur le canapé, sort des tasses puis les range, des flûtes à champagne, même combat… N’ayons pas trop l’air de l’attendre.
Mais le portail est tout de même ouvert.

À 20 h, le camion entre dans la cour. Paloma va à la porte. Jean-Louis entre en souriant :

- Vous allez bien ? Bonne journée ?

Elle bafouille tandis qu’il entre dans le cellier. Puis après 2 minutes, il ressort, se plante devant elle :

- Vous savez quoi ? Je n’avais pas besoin de revenir !

Et avant qu’elle ait pu dire un mot, il se jette sur elle et l’embrasse à perdre haleine.