table_verres_by_louisianneIl y a des choses qu’on ne peut pas écrire tout de suite… Parce qu’il faut prendre du recul, parce que c’est douloureux… Et puis un jour la plume court toute seule… se débloque…

C’était en juillet 2006. Ma mère et mes deux filles étaient dans le Sud, dans la maison de vacances. Je les rejoignais tous les week-end, dont bien sûr ce week-end du 14 juillet…

J’avais emmené en partant le vendredi soir, les deux filles de ma sœur Servane, Jolinette (8 ans) et Manivelle (3 ans). Comme tous les ans, elles passaient le mois de juillet sous la garde de leur grand mère, et leur parents les rejoignaient en août…

Servane et Jean-Louis avaient des travaux à faire dans leur cuisine. Servane devait nous rejoindre une semaine avant son mari à la fin du mois. Ils décalaient leurs vacances (lui restait une semaine de plus) pour que leurs filles en profitent…

Dans l’ensemble nous nous entendons bien dans la famille. Mais malgré nos 10 ans d’écart, c’est de ma sœur Servane et de son mari Jean-Louis que je suis le plus proche. C’est eux qui restent le plus longtemps en vacances avec nous (ma mère, mes filles et moi) dans le Sud. Camomille est prof, elle reste un mois avec ses enfants en juillet, puis part ailleurs quand son mari est en congé. Les filles de mon frère Cédric viennent aussi sans leur parent, mais Cédric a une épouse bretonne qui ne supporte pas la chaleur, donc ils viennent un week-end prolongé, voire une semaine à tout casser, récupérer leurs filles et repartent.

La fin du mois d’août c’est toujours la période d’accalmie, où on se retrouve moins nombreux. Avec Servane et Jean-Louis, ça se passe toujours bien. Nous sommes sur la même longueur d’ondes… Pas de stress, pas de cris, pas de problèmes d’enfants du style ” tu devrais sévir avec tes enfants “. J’adore leurs filles, Servane est la marraine d’Athéna. Jean-Louis s’entend bien avec mes ados, il n’est ni coincé, ni moralisateur, il est un peu ado lui aussi. Et Artémis et Athéna adorent s’occuper de Jolinette et de Manivelle. Les petites, elles demandent à être coiffés, maquillées, déguisées…

Le voyage du vendredi 13 avait été un peu difficile, je suis habituée à ma tranquillité… Mais entre Jolinette qui n’arrêtait pas de parler, Manivelle qui tirait les cheveux de sa sœur, j’attendais avec impatience qu’elles s’endorment ! À chaque arrêt, Manivelle me demandait de quelle couleur était ma voiture, elle ne la reconnaissait pas sur le parking…

Ce week-end là exceptionnellement ma sœur Camomille est partie avec ses enfants rejoindre des amis à Perpignan, et son mari Luc (qui travaille) les a rejoint en avion. Le samedi, j’emmène ma mère et les petites au lac où un spectacle avait lieu. Mes filles sont parties rejoindre leurs copains. Au retour ma sœur Servanne m’appelle. Je suis dans la voiture en train de me garer et il y a le haut parleur. Elle pleure. Je lui dis ” attends “.

Je descends de la voiture et je m’isole avec le téléphone. Elle m’annonce en larmes qu’elle s’est disputée avec son mari et qu’il a quitté la maison. Je l’écoute… Je pose des questions…
Un mot de trop, parce qu’elle lui reprochait de ne pas commencer les travaux de la cuisine, alors qu’ils devaient faire ça tout le week-end. Enervée, elle était partie faire les boutiques… Elle avait reçu un SMS : ” je ne suis plus à la maison “, et avait constaté que la voiture avait disparu.

Elle me dit qu’elle veut nous rejoindre en train et repartir avec moi en voiture…

Je lui déconseille. Je lui dis qu’elle va être crevée, que ses filles ne vont rien comprendre. Nous calculons les horaires de train, elle pourrait partir le soir et arriver à 6 h du mat… Pour repartir en voiture à 17 h.
Plus tard Camomille me reprochera de lui avoir conseillé de rester ! Peut-être ai-je eu tort… Mais j’ai réagi à chaud, et pour moi Jean-Louis allait revenir avant la fin du week-end…

Puis je lui passe notre mère. Ma mère n’a jamais eu le chic pour consoler, elle a tendance à faire l’autruche, à nier le problème, ” tout va s’arranger, pense à tes filles, secoue toi “. Plus tard quand elle ne peut plus nier le problème, elle gère son stress en ressassant, en cherchant un coupable, ou en prétendant qu’elle avait vu venir la chose.

En ville, Servane est seule. Cédric est parti en Bretagne avec sa famille pour le week-end. Je l’appelle régulièrement. Je recharge mon portable toutes les 10 minutes, car je n’ai pas de forfait et je ne l’utilise jamais autant ! Servane me dit que Jean-Louis a déjà eu des crises, dit qu’il n’était pas bien, pas heureux. Mais cela semblait s’être tassé…

Camomille m’appelle. Elle me dit que Luc rentre en avion, elle voudrait savoir quand je rentre, il faudrait quelqu’un pour aller le chercher à Orly. Malheureusement je risque de ne pas être rentrée, et avec le péage de Saint Arnoult, on sait à quelle heure on est bloqué, mais pas à quelle heure on sera débloqué !
Du coup elle me demande comment va Servane :
- mal ! Jean-Louis est parti !
- je m’en doutais ! Je lui ai demandé si elle pouvait aller chercher Luc et elle m’a dit “je n’ai pas de voiture” et s’est mise à pleurer. Je vais l’appeler.

Je me demande si Servane va apprécier, si j’ai eu tort ou raison. Cédric vite au courant de la nouvelle appelle aussi sa sœur. Je n’ai pas eu tort : la solidarité s’est mise en route, les mains se sont tendues.
Servane ne veut pas rentrer chez elle le dimanche soir. Elle ne veut pas qu’il la trouve sagement à la maison en rentrant. Luc est rentré, il invite Servane à manger puis à regarder le film, il lui propose de dormir chez lui. Luc d’habitude peu bavard, se montre très gentil. Mais Servane préfère dormir chez mon frère Cédric, rentré lui aussi, car c’est plus près de son travail. Elle reçoit de nouveau un SMS de Jean-Louis ” Où es-tu, quand rentres-tu ? “. Elle ne répond pas…

Je suis rentrée, je travaille. Le lundi nous communiquons par mél ou par téléphone ma sœur et moi. Je sais que le lundi soir ils vont s’expliquer donc je ne l’appellerai pas…