rocaille1 Le mardi matin je reçois un mél au bureau :
“Voilà c’est fini, il ne veut plus continuer, il veut qu’on se sépare”. Comme c’est plutôt calme au bureau, je l’appelle. Je lui demande si elle est seule. Non sa collègue est en face d’elle, mais heureusement, sa collègue est une amie, elle est au courant, de plus je la connais aussi.

Elle parle. Ils ont parlé, mais ça a été difficile. Jean-Louis est plutôt calme, casanier, rarement énervé. Il avait du mal à décoller de son PC ou de son lit, parlait peu avec Servane au quotidien, mais se montrait très gai en famille. Et voilà qu’il a mille reproches à lui faire. Trop autoritaire (parce qu’elle voulait commencer les travaux), trop ceci, trop cela… Voilà qu’il sort des griefs qu’ils n’avait jamais exprimé… Elle se pose des questions. Ainsi il avait tout gardé à l’intérieur, il devait bouillir et tout ressort d’un coup. Était il à ce point mal dans sa peau ?

Il lui dit : “ça fait 3 ans que ça ne va pas”. Elle tombe des nues !
- il y a trois ans, on a acheté un nouvel appartement et on a fait un bébé : Manivelle !

Il n’a pas voulu lui dire où il était allé le week-end.
Je crois que les coups de fils entre nous ont du durer un jour ou deux. Le soir j’invite ma sœur à manger une salade dans le jardin. Mais elle va très mal. Elle n’arrête pas de pleurer. Tout s’écroule, tout son univers. Elle pleure dès qu’elle prononce le prénom de ses filles.
- mes pauvres petites filles ! Elles ne vont rien comprendre ! Que vont-elle devenir ? Qu’est ce que je vais devenir ?

Je la rassure : regarde moi ! Regarde Athéna et Artémis, elles ne sont pas si malheureuses !

Mais je lui dis surtout d’attendre. Cela ressemble à une crise. Elle me dit des choses qu’elle n’a jamais dites à personne. Jean-Louis lui avait déjà dit il y a longtemps qu’il n’allait pas bien, qu’il n’était pas heureux. Puis cela semblait s’être tassé. Elle me dit qu’il passait du temps sur Internet. Sur des forums, à chatter, à écrire.

Un jour elle avait reçu le mél d’une femme qui lui disait de s’occuper plus de son mari, qu’elle allait le perdre. Cette femme avait réussi à trouver son mél au travail. Bien sûr elle était furieuse. Lui avait trouvé l’excuse de l’amitié virtuelle. Elle lui a fait un discours de ce genre :

- facile de ne montrer qu’un côté de toi sur la toile ! Montrer ce que tu veux bien montrer ! Facile de dire “ma femme me néglige” et d’en trouver des dizaines prêtes à te consoler !

Je ne lui demande pas pourquoi elle ne m’a pas raconté tout ça, je le sais. Pas envie d’entendre la tribu donner des conseils ou juger. Pas envie que l’on porte un regard différent sur Jean-Louis.

Bien sûr j’avais eu des indices. Je parlais beaucoup avec Jean-Louis. Un jour il m’avait dit que peut-être sur des forums, je pourrais faire des rencontres (alors que je n’avais rien demandé). Parfois il avait eu des plaisanteries étranges… Mais comme il a un côté ado, faire la part de l’humour et de la réalité !

Servane se demande si il n’a pas rejoint le week-end une rencontre virtuelle. Elle va mal, fuit son foyer, mange chez mon frère ou avec moi. Puis elle prend rendez vous chez le médecin, elle a perdu 4 kilos. Elle en perdra 8 en tout avant le mois d’août.

Le médecin se transforme en psy pour l’occasion. Il est très gentil, très à l’écoute. Il lui dit de ne pas prendre de décision hâtive : “c’est peut-être une crise, les hommes partent mais reviennent.  Les femmes prennent toujours la décision du divorce. Les hommes sont lâches, je le sais j’en suis un ! Lui il ne sait pas ce qu’il veut, mais si vous prenez une décision, il laissera faire, alors que ce n’est peut-être pas ce qu’il voulait, il se laissera porter par les événements”. 

Ce brave médecin lui fait un arrêt maladie. Bizarrement il avait presque le même discours que moi. Du calme, attends… Camomille au téléphone s’excite : “mais qu’elle quitte cet ignoble s*laud, d’ordure, de c*nnard, mais qu’elle le foute dehors, ça lui apprendra”. Elle tient le même discours à Servane : “jette le, quitte le, venge toi !”. Inutile de préciser que Camomille n’a pas d’atomes crochus avec Jean-Louis !

Servane est donc en arrêt maladie et part plus tôt en vacances rejoindre une partie de la tribu, Camomille et ses 4 enfants, Ma maman, Cédric et ses filles (sa femme Mariane travaille) et Athéna et Artémis. Quand à moi je continue mes voyages tous les week-ends.
Jean-Louis n’est pas content que Servane prenne la voiture. Tant pis, elle lui dit qu’il n’aura qu’à descendre en train et qu’ils remonteront ensemble comme prévu.

Servane est sur la route, j’appelle comme toujours pour voir si tout roule. Contrairement à moi Servane n’a pas l’habitude de conduire 6 heures seule, et elle n’aime pas particulièrement ça. Je l’appelle. Catastrophe.

- Je suis à Chateauroux, la voiture a brûlé, enfin le moteur ! J’attends la dépanneuse !

Un malheur n’arrive jamais seul ! Je téléphone à la maison de vacances, pour leur dire qu’elle sera en retard.
J’écris à ma belle-sœur Mariane, qui me réponds :
” La pauvre, elle va être à ramasser à la petite cuillère ! Mais pourquoi ce n’est pas arrivé à Jean-Louis quand il a fait sa fugue le 14 juillet ?”

Puis de coup de fil en coup de fil, je suis le périple de Servane. Un dépanneur est venu la chercher, envoyé par l’assistance, mais ce n’est pas un garagiste. C’est elle qui doit appeler partout pour trouver quelqu’un qui veut bien prendre sa voiture. Mais sa voiture est vieille, personne n’en veut. Finalement elle trouve. Un taxi l’emmène jusqu’à une société de location où on lui prête une voiture, tellement moderne qu’elle met 5 minutes à la démarrer : pas de clé, une carte !

Elle arrivera à minuit épuisée à la maison de vacances.

Le week-end suivant je fais le voyage avec Luc. Il me dit en parlant de Jean-Louis :
- je n’aurais jamais fait ça !
- quoi partir ?
- non revenir ! Si il est parti qu’il aille jusqu’au bout !

Je retrouve Servane et nous parlons. Bien sûr l’humeur est morose. Voir Jolinette parler et rire et se demander ce qu’il l’attend… Regarder Manivelle 3 ans. Se souviendra t-elle de son père si ils se séparent… Comment tout cela finira t-il ?

Servane se pose mille questions. Elle sait que Jean-Louis n’est pas allé ni chez son père, ni chez sa sœur. Elle me demande mille fois si je pense qu’il l’a trompée. Que lui dire ?
Je ne sais pas peut-être, peut-être pas… C’est une femme qu’il est allé voir tu es sûre ? Il n’a pas d’ami homme ? Une amie ? Moi en tant qu’amie d’un homme marié malheureux qui vient me voir en pleine crise, je ne le précipiterais sûrement pas dans mon lit… Mais bon on ne sait pas qui c’est cette femme…

Servane m’entraîne au cyber café. Elle consulte les relevé de carte bleue du 14 juillet. Elle voit qu’il a pris de l’essence dans un bled inconnu. Elle me demande comment faire pour situer le bled. Je l’aide. C’est sur l’autoroute de l’Est. Nous rions en même temps, on est pas un peu débile, là ?
Et lui quel crétin, il a cru que tu ne verrais pas les relevés de CB ?