J’ai quelques souvenirs de la loge. Mme Courbette sans cesse dérangée. Contrairement à la photo, il y a avait à l’époque une vitre entre la pièce principale et l’entrée de l’immeuble (à droite de la porte, le cadre blanc aujourd’hui) Bien sûr il y avait des rideaux, mais cela n’empêche pas que la concierge n’avait pas d’intimité et était bel et bien au service des autres… Pour un oui ou pour un non on frappait à la vitre… Parfois juste pour dire bonjour…
La loge était petite. Sous la vitre, dans l’entrée de l’immeuble il y avait un buffet qui n’aurait pas pu rentrer dans la loge. Ma grand mère y rangeait de la vaisselle, des plats. Lors des repas de famille, je sortais avec Mme Courbette pour chercher les plats ou le gâteau qu’elle avait laissé au frais sur le buffet. Aucun locataire n’aurait eu l’idée de voler ou d’ouvrir le buffet, pourtant dans le hall, au vu et au su de tous !
Une autre époque que l’on n’imagine plus !
Lorsque nous allions à la maison de campagne, Eugène garait sa voiture juste devant la loge. Mme Courbette sortait avec ses cocottes minutes contenant le pot au feu du dimanche, prêtes à être réchauffées sur le gaz. Les voisins se penchaient à leur fenêtre : “vous partez à la campagne ! Vous allez avoir beau temps !”…
Puis se joignaient à nous pour nous aider à courir après le chat qui refusait de monter en voiture (même cirque en sens inverse le dimanche soir !)
J’aimais bien le retour le dimanche soir, je m’endormais dans la voiture, mon père me portait trois étages jusqu’à mon lit…
Souvenir aussi lointain : les chanteuses des rues (ou plutôt des cours !) Une vieille femme venait chanter dans la cour, sous nos fenêtres, les tubes d’Edith Piaf (je ne savais même pas qui était Edith Piaf ! Et les locataires lui jetaient des pièces de 20 centimes par les fenêtres. Moi je trouvais ça très drôle, surtout quand ma grand mère me gardait chez moi au 3ème, c’était mieux qu’au rez-de-chaussée. D’ailleurs à l’époque quand on payait un commerçant avec de la petite monnaie, il vous disait : “vous avez chanté madame, hier ?”.
Un jour j’avais 20 ans, et une commerçante nous fit la réflexion à moi et une amie qui venait de province et était complètement éberluée !
Autre souvenir qui date d’avant la naissance de ma soeur. J’étais avec Martine, mon père travaillait. Ma mère faisait les carreaux des très hautes fenêtres. Pour s’aider, elle pose le genou sur une table basse dont le dessus est en verre épais. Et crac le verre cède. Ma maman a le genou en sang et coincé dans la table, en sortir serait s’ouvrir encore plus. À ce moment là, elle me demande de me pencher à la fenêtre et de crier au secours… Au secours, je sais ce que c’est, j’ai du le lire dans les livres, l’entendre au cinéma, mais le crier moi même, quelle horreur !
Totalement affolée je crie au secours. Je n’ai aucun souvenir du reste. Juste que quelqu’un a répondu et que ma maman a expliqué elle même ce qui se passait. Mais comment on l’a sortie de là, comment ma grand mère est montée me garder, non rien de tout ça. Je me souviens juste que j’ai vu ma mère partir dans une voiture avec un voisin, celui qui habitait le pavillon au fond de la cour. Elle allait à l’hôpital, très proche. Moi j’étais désespérée, persuadée qu’elle ne reviendrait pas…
Ma maman est revenue, recousue de partout. Une des cicatrices est très profonde et est restée visible, comme une ligne creusée dans la jambe, au niveau du tibia. Depuis Martine déteste les tables basses en verre. La table nous l’avons toujours, mon père a remplacé le verre par une solide planche en bois…