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Ce soir là j’y vais avec ma sœur. Mais nous som­mes très inti­mi­dées. Ils se con­nais­sent tous, ils sont tous à l’entrée.

Toute la bande des gar­çons du vil­lage, que nous rêvions de con­naî­tre, Camo­mille et moi. Nous atten­dions sans oser entrer. Mon ren­dez-vous se fai­sait atten­dre.

C’est alors qu’Alban est arrivé. Il m’a regar­dée, il m’a dit bon­jour et m’a dit : “en­trez si vous vou­lez venir”
J’entends encore sa voix, son accent… Il a été le seul à nous accueillir, alors qu’il y avait là un groupe de filles qui pouf­faient.

Patrick est arrivé, m’a dit bon­jour et a dis­paru. Puis tous ses copains sont venus me dire bon­jour, rire, plai­san­ter. L’un deux m’a beau­coup parlé, il m’a raconté le ren­dez vous au café, com­ment Patrick était inti­midé et anxieux de ne pas me voir arri­ver…

C’est effec­ti­ve­ment ce soir là que nous avons connu toute la bande, le soir même nous étions invi­tées à l’anni­ver­saire d’un gar­çon. Et oui de nou­vel­les têtes, de nou­vel­les filles, ça se remar­que !

Alban m’a invi­tée à dan­ser. Et ça m’a fait tout drôle… Ce n’était pas un gar­çon ordi­naire, mais je ne vais pas le racon­ter une deuxième fois, n’est ce pas, tout est  !

Patrick, tru­ci­dant sa timi­dité et sans doute un peu jaloux, m’offre un verre, et m’invite enfin à dan­ser. C’était San­tana, Europa, je m’en sou­viens encore !

Nous avons parlé un peu. Puis nous som­mes allés par­ler dehors. Ses copains sont venus le cham­brer… Il m’a demandé com­ment je ren­trais chez moi. Hélas mon père venait nous cher­cher et ne m’aurait jamais laissé ren­trer en moby­lette…

Nous avons beau­coup parlé dehors, près d’un mur de pierre, avec la musi­que en toile de fond. Je ne me sou­viens plus de quoi. J’avais une peur bleue qu’il ne me demande pour­quoi je lui avais écrit. Il ne l’a pas fait.

Que s’est il passé ensuite ? Rien ! Mau­vais timing tout le temps ! Il a eu une copine peu de temps après, moi j’ai eu de petits copains ! Il est venu me voir plu­sieurs fois à la Sau­va­geonne. Nous par­lions beau­coup, je lui ai même fait lire mon jour­nal. Un jour une copine avec qui il était resté long­temps, m’avait demandé com­ment je l’avais connu. J’avais répondu un vague nom de vil­lage, de fête, mais j’avais très bien com­pris sa ques­tion : ma rela­tion avec lui n’avait rien à voir avec celle des autres gar­çons de la bande. Et Patrick était plu­tôt réservé, pas vrai­ment spon­tané et à l’aise comme tant d’autres.

Le temps passe nous avons 19 ans.

Un jour nous étions toute une bande, y com­pris Ché­ru­bin à jouer au “jeu de la vérité” sur un lit dans la grange à la Sau­va­geonne. Il y avait ma sœur bien sûr. C’est stu­pide ce jeu, d’ailleurs je me suis tou­jours demandé pour­quoi je dis la vérité, comme si un men­songe ris­quait de me faire tom­ber le ciel sur la tête !

Et voilà que Camo­mille, qui savait très bien ce qu’elle fai­sait me pose la ques­tion : “Loui­sianne, tu aime­rais sor­tir avec Patrick ?”

Joker ! Non à cette épo­que là nous n’avions pas inventé les jokers dom­mage ! Je pousse un cri et je me mets les draps sur la tête ! Patrick qui était à moi­tié allongé, se met à genoux :

- Loui­sianne, sors de là, ne te cache pas !

Il essaye de me faire sor­tir, Ché­ru­bin s’en mêle, je me débats, Ché­ru­bin met un genou sur ma jupe, une lon­gue jupe blan­che à 3 volants qui cra­que et se déchire. Dans la con­fu­sion qui s’ensuit, j’ai échappé à la ques­tion… À laquelle Patrick con­nais­sait sure­ment la réponse !

Le temps passe encore. Un jour Patrick me dit de venir le voir mois­son­ner, je me sou­viens d’avoir fait des kilo­mè­tres en vélo sous un soleil de plomb pour le voir cinq minu­tes, trop débordé, et pas seul, pour me par­ler.

J’ai fêté mes 20 ans à la Sau­va­geonne. Patrick était là bien sûr, il m’invi­tait tou­jours à dan­ser. Je me sou­viens que mes copi­nes pari­sien­nes étaient impres­sion­nées et me posaient des ques­tions sur ce beau mec. Patrick était grand, brun, bronzé, mais il n’avait rien d’un dra­gueur.

Ensuite je l’ai perdu de vue. Il est allé habi­ter à Peti­te­vil­le­du­Sud, faire ses étu­des. Puis il a tra­vaillé à l’hôpi­tal où il est encore. Un jour j’avais 23 ans, je vivais avec Eric et j’arri­vais en vacan­ces à la Sau­va­geonne. Camo­mille me dit qu’elle avait croisé Patrick :

- Il n’a pas arrêté de me par­ler de toi ! “J’aime­rais trop la revoir ta sœur, dis lui qu’elle vienne au Macumba samedi !”

J’en mou­rais d’envie. Mais mon con­cu­bin n’était pas d’accord. Mau­vais timing encore une fois !

Bizar­re­ment je ne l’ai jamais recroisé à Peti­te­Col­line alors que j’ai croisé d’autres anciens copains. Un jour j’ai appris par les parents d’une amie des filles qu’il avait eu un grave acci­dent de voi­ture, en s’endor­mant au volant au retour d’une nuit de garde, mais qu’il s’en était remis.

De temps en temps je regarde si son nom est tou­jours dans l’annuaire. Il n’est pas sur Face de bouc.

Quel­que­fois je me dis qu’un jour je vais oser, je vais l’appe­ler, je vais débar­quer chez lui. Assez compté sur le hasard ! Cet été je m’y mets !