Le 9 août, je suis cette fois chez Athéna et Jim. Juste pour 4 jours car ils sont en déplacement tous les deux et je garde le toutou. Que de voyages, que de maisons ! 

Je prends la route. Je me dis que si ça se trouve au retour je serai complètement démoralisée.

Le midi j’ai déjeuné avec Artémis dans un resto près de son travail, mon rendez-vous est l’après midi. Il fait toujours une chaleur à crever, Artémis a la clim en panne dans son bureau au point que des collègues ont fait des malaises, et je n’ai plus de clim dans ma vieille break qui a décidé d’être malade en juillet aussi. Vu l’âge de la voiture et le prix d’un compresseur, je vais devoir faire avec. 

À l’hôpital je retrouve les joies du port du masque, prenez un ticket, enregistrez vous. Question habituelle, cette fois on me note ” adresse provisioire ” chez Athéna. Ma bonne mine fait aussi qu’on a du mal à me croire : retraitée ? Vraiment ? 

Puis je monte dans les étages. Beaucoup de femmes enceintes, certaines très jeunes, je me dis que ça va être long. Mais non, on m’appelle aussitôt. Le docteur Décarré ne doit pas consulter pour les grossesses.
J’étais dans ma voiture à 15 h 37 alors que j’avais rendez-vous à 15 h 30, je suis donc passée en avance ! 

C’est un charmant monsieur, crinière et barbe blanche. Questions habituelles, mes réponses habituelles : maladie aucune, traitement aucun, allergies aucune, opération. L’appendicite à 7 ans. C’est tout ? Ben oui ! Grossesses normales. 

Il me demande comment j’ai fait pour avoir un RV gynéco aussi vite, il me dit que la dame vient d’arriver, mais qu’elle ne va pas tarder à être débordée. Je lui demande si il y a quelque chose de grave pour qu’il ait avancé le RV. Il me dit non, mais je dois m’absenter 15 jours en septembre, donc je voulais que tout soit calé. Rassurant, calme, souriant. Il me dit que j’ai bien une tumeur. Je pense aussitôt : bon pas grave on enlève. Mais non. Dans ces cas là, on enlève tout. Laa totale et même ganglions si il y a lieu. Vous ne voulez plus de bébés ? Je ris. 
Il m’a dit que ça arrive souvent aux femme plus âgées. Ah bon je suis jeune, tant mieux ! 
Bien sûr il faut voir ce qu’il y a à l’intérieur et décider ensuite, voies naturelles ou vraie chiurgie. Il me dit de contacter mon médecin traitant en lui envoyant la photopie de la biopsie (oui le frottis interne c’était ça) pour faire une demande de prise en charge 100 %. Il m’imprime les résultats que je n’ai jamais eus.
À ce jour mon médecin n’a toujours rien fait, j’ai déjà appelé deux fois ! 

Je lui dis que je suis bloquée jusqu’au 24 septembre cause garde de toutou. Pas grave on peut envisager octobre et il y aura sûrement des examens complémentaires. L’IRM déterminera ce qu’il y a à l’intérieur et si rien ne déborde tout va bien. 
Comme je l’ai lu bien souvent, le mot n’est jamais prononcé. Il me donne un petit livret en me disant que j’allais entendre des mots barbares : le cancer de l’endomètre. J’avais déjà compris bien sûr. 

Je retourne à ma voiture qui est brulante, l’ombre est rare. J’envoie des messages vocaux à mes filles. Artémis n’est pas trop inquiète comme si comme moi elle s’y attendait un peu. Athéna me dit : à entendre ta voix, tu as l’air d’aller bien. Oui je le prends plutôt bien. Mais pas elle  : ça fiche un coup quand même ! 

Non je ne suis pas complètement démoralisée quand je reprends la route. Sale moment à passer. Je crois qu’un matin au réveil j’ai versé une larme, mais pas plus. 

Mes filles sont là et je préfère cent fois être opérée ici qu’à VilleNatale. Je n’aurais pas eu envie des visites de ma fratrie, de certains neveux et nièces passe encore, mais loin de mes filles je l’aurais mal vécu ! 

Je parle avec mes filles. Mes gendres sont au courant bien sûr. Je leur dis que je ne dirai rien à Martine. Ça pourrait être pour ne pas l’inquiéter, ça pourrait. Mais c’est surtout que Martine n’a aucune empathie. Son discours ce serait : ce n’est pas grave moi j’ai eu deux cancers et plein d’autres choses, et je m’en suis tirée ! 
Mon précieux dit que c’est sûrement une question de génération. 

Je ne dis rien à ma fratrie non plus pour le moment. Au début je pensais même ne rien leur dire du tout. Je n’ai nulle envie qu’ils prennent soudain de mes nouvelles alors qu’en temps normal ils n’en prennent pas, ils ont été imbuvables pendant les vacances, je n’ai pas envie de partager avec eux. Et puis je suis trop bonne je ne veux pas leur gacher leur vacances. Camomille qui est pourtant la moins proche de moi est très émotive et va piquer une crise de larmes. 

Cependant j’ai décidé de leur dire avant l’opération. Il faudra occuper Martine si je ne suis pas joignable. Et puis ils ont eu des tas de problèmes de santé et d’opération et ont toujours prévenu tout le monde. Ce serait malvenu de garder le secret. C’est d’ailleurs un de seul cas où ils prennent la peine de téléphoner plutôt que de communiquer par OuateZap dans la conversation familiale. 

Camomille et Servane ont été opérés du dos. Servane a eu des opérations des oreilles, elle a été quasi sourde à 30 ans. Tous les trois ont hérité de la maladie d’Eugène (et de sa mère) les artères qui se bouchent. Cédric en plus de deux décollements de la plèvre (il fume trop) a des ” stens ” partout. Malgré ça il fume, boit un peu et mange trop gras. Pour mes sœur l’injustice est totale : elles ne fument pas, ne boivent pas et sont tellement obsédées par leur poids qu’elles font attention à leur assiette. Camomille a un traitement préventif, et Servane a du être opérée du cœur, les coronaires se bouchaient et comme elle n’avait aucun symptôme il était trop tard pour un sten. 
Bref même si ma fratrie m’a déçue, je les aime quand même et je m’inquiète pour leur santé. 
Combien de fois ai-je entendu : mais tu as trop de bol toi ! Jamais de maladie, jamais d’opérations ! 
Il est vrai que malgré quelques petits soucis, je dis souvent que j’ai une santé de fer. 

Alors comme je l’ai dit à mes filles : 
- Il faut bien que je me fasse remarquer ! Je n’ai jamais rien eu ! Un cancer  : là je frappe fort ! 

Elles rient de mes bêtises. Je fais un bilan sanguin à Cadurcy. Je retrouve les joies de mes veines : on ne trouve jamais mes veines, j’ai du renoncer à donner mon sang. On me pique dans la main. 

Jérémy a eu du mal à comprendre, il n’avait retenu que tumeur, puis il m’a dit que sa mère a eu la même chose et qu’elle a eu du mal à se remettre. J’ai regardé internet, me suis interrrogée sur la sexualité. J’ai même ri en me disant ” tiens je devrais demander à ma mère ” alors qu’il n’y a pas plus prude qu’elle ! Il faut attendre que tout cicatrise. Pourvu que ma libido ne me quitte pas ! 
Je le vivrais mal. En même temps est-ce qu’on vit mal quelque chose qui n’existe plus ? Internet ne m’aide pas car on ne parle que des femmes qui sont encore en état de procréer et pour qui bien évidement le choc est plus brutal. 

Je suis chez Athéna et Jim et je commande à la pharmacie des produits pour l’ IRM. 

Ce que je vis le plus mal ce n’est pas ma maladie de juillet, oui je l’ai appelée comme ça. 
Je voulais trouver un appart à RoseVilleduSud, je voulais commencer les activités, cours de théâtre, de danse. Je me suis inscrite au cours de théâtre mais pour le moment je suis trop loin. Et quand on me dit de reporter, de tout reporter, appartement, activités, je suis terriblement frustrée !
Les éléments se liguent contre moi ! Depuis le temps que je veux vivre à RoseVilleduSud. 
Je suis comme une enfant qu’on mettrait à l’entrée de Disneyland en lui interdisant d’y aller ! 
Jérémy me dit que je ne pourrais même pas porter une bouteille d’eau après l’opération, pas la peine de déménager. Artémis me dit que je vais rester alitée chez elle un mois, pas la peine de faire un cours de danse d’essai. 
Je suis coincée à la campagne, trop loin de la ville. Et je vis de plus en plus mal de ne pas avoir de chez moi. 
J’ai la chance que mes filles ne me pressent pas : prends ton temps, tu seras chez nous, tu n’auras pas le temps de chercher un appart, attends l’opération ! 
La maladie n’est donc pas mon plus gros souci ! Même si il peut m’arriver de me dire ” et si “


Hier j’ai repris la route. Nous sommes en septembre mais c’est un nouveau pic de chaleur, 34°.
Artémis est en télétravail à la Sauvageonne je ne pourrais donc pas aller la voir à son bureau après. 

De nouveau, masque, ticket, enregistrement, salle d’attente. Dans la salle de préparation un charmant jeune homme me taquine : on ne trouve pas vos veines, vous ne me facilitez pas la tâche ! quand je réponds à la question : quel bras ? 
- Euh en fait aucun !
On me pique dans la main. Puis l’examen très long, mais j’ai droit à RFM dans les oreilles, ce n’était pas le cas il y a quelques années. 

J’aurais les résultats mercredi et je verrais le chirurgien dans la foulée. Je pourrais déjeuner avec Artémis. J’espère ne pas avoir d’examens complémentaires mais je n’y crois pas trop. 
Que va t-il me dire ? On verra bien de toutes façons il faudra passer sur le billard !