numero_seize_troisi_meMa soeur Camomille est née alors que mes grands parents habitaient encore la loge, puis mon frère Cédric est né deux ans après Camomille. Martine n’a jamais repris le travail.

Il se passe des choses étranges au numéro 16. L’appartement avec ses deux chambres, devient trop petit. Mais de l’autre côté du mur de la dernière chambre, il y a le bâtiment B. Au 3ième du bâtiment B, habite une vieille amie de Mme Courbette, la bijoutière.  Sa chambre n° 2 est donc contiguë à la chambre n° 2 de mes parents. La vieille dame, dit qu’elle n’en a pas besoin…

Elle nous la donne ! Eugène n’a qu’à abattre le mur !
C’est ainsi que l’appartement du 3ième, doit être le seul à avoir une chambre de plus, une chambre du bâtiment B !

Je vous rassure : la vieille demoiselle propriétaire était d’accord, elle était d’accord sur tous les travaux de mon père à qui elle avait promis de vendre (promesse non tenue je l’ai déjà dit !).

Après la naissance de mon frère, mes grands parents ont pris leur retraite et quitté la loge… La loge est restée vide. Ils ont emménagé au 2ième étage, l’appartement en dessous du nôtre. Ainsi les enfants pouvaient faire tout le bruit qu’il voulait, en dessous c’était Roger et Mme Courbette qui prenait parfois le balai pour taper au plafond. Eugène a installé des WC dans le placard, pour éviter à ses parents d’avoir à monter 2 étages pour aller aux toilettes. La propriétaire était bien entendu d’accord !

numero_seizefond_cour_1En passant voilà sa maison au fond de la cour, à gauche, petite je ne comprenais pas qu’une vieille femme seule ait une si grande maison, qui aurait été si pratique pour mes parents et leurs enfants ! D’ailleurs si je gagne au loto je la rachète sa maison, non mais  !

Donc la vie continue, pour les fêtes de famille, mes grands parents n’ont qu’un étage à monter. Nous les enfants aimons descendre les voir pour un oui ou pour un non. Et tous les week-ends nous partons tous ensemble à la maison de campagne.

Parfois je regrette que la loge soit fermée, que nous  n’ayons pas la clé. J’aimerais bien y faire un tour. Nous vivons moins dans la cour, sauf si il y a de la neige, pour faire des batailles. Mme Courbette continue ses visites aux personnes âgées, à ses amies… Mais il y a une femme de ménage pour les escaliers des deux immeubles, et on a installé des boites aux lettres, la concierge n’est plus dans l’escalier et ne distribue plus le courrier.

Peu à peu nous voyons mourir les plus âgés. La bijoutière, malade est partie en maison de retraite. Mes parents vont souvent la voir, elle n’a pas de famille. Elle sera longtemps invitée dans les fêtes de famille. Mais elle nous agaçait plutôt, nous les enfants, elle radotait et ses histoires n’intéressait que ma grand mère. Pourtant c’était une femme généreuse qui nous a toujours offert des cadeaux somptueux (des bijoux surtout) qui devaient grever son budget de retraitée.

Les appartements sont loués à des gens plus jeunes avec des enfants. L’immeuble devient plus anonyme. Il ne reste que peu d’anciens.

Nous grandissons, je suis l’aînée et je commence à souffrir du manque de confort. J’ai 10 ans. Je rêve d’une salle de bains. J’en ai assez des “pots de chambre” pour la nuit, ou de devoir monter au 4ième pour aller aux toilettes la journée.
Puis la petite dernière pointe le bout de son nez : Servane ! Cette fois l’appartement est vraiment trop petit. De plus mon père a fini par comprendre que la propriétaire, cette vieille chipie, ne vendrait jamais. On se met en quête d’une maison. Pendant un moment mes parents nous font visiter des maisons témoins dans des lotissements, ou rêvent de s’installer à la campagne. Martine refuse. Aucune envie de se retrouver seule la semaine, avec ses enfants en internat. Finalement mes parents trouvent une maison de ville à deux pâtés de maison en mauvais état, mais avec 3 chambres. Une chambre pour deux enfants, à l’époque ça ne choquait personne, c’était comme ça !

Je suis triste de quitter le numéro 16. L’appartement de mon enfance et surtout ses dépendances. Le quatrième, le grenier plein de livres, même la cave. Mais nous ne le quittons pas vraiment : mes grands parents sont toujours là… Et des années encore nous irons au numéro 16…
J’y suis encore chez moi, Eugène très sentimental, aussi. Martine s’est toujours moqué de lui, car en voiture, pour aller d’un point A à un point B, il s’est toujours débrouillé pour passer devant le numéro 16…

Rééedition du 05/02/2008