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Les canapés n’existaient pas.

Enfin pas tel qu’ils sont apparus un jour, le canapé flanqué de ses fauteuils qu’on appelait “salon” : il faut acheter un salon ! 

D’ailleurs le salon n’existait pas non plus !

Oui je sais le “petit salon de la guerre”, le boudoir,  les bergères et les conversations, les méridiennes, mais je parle des français moyens des années 60 !

Mes grands parents avaient une cuisine salle à manger qui était la pièce principale. Même chose chez mes autres grands parents où il y avait tellement d’enfants que la table et ses 12 chaises prenaient toute la pièce.

Quand j’étais enfant, nous mangions les jours de semaine dans la cuisine. Le dimanche dans la salle à manger. Il y avait une table à rallonge, que l’on décollait du mur pour manger, et beaucoup de chaises, puis deux buffets. C’était la salle à manger, la pièce principale de l’appartement. Quand on invitait, on prenait l’apéritif, le café à table. Les repas duraient longtemps le dimanche, comme les mariages et les baptêmes mais qu’aurions nous fait d’un canapé ?

Un jour la télé est apparue. Qu’allions nous faire de cet objet encombrant ? Il a été posé sur un buffet haut. Les rares fois où nous la regardions c’était sur les chaises de la salle à manger. De toutes façons nous n’avions le droit de la regarder que le jeudi, et les émissions pour enfants restaient limitées, de même que les émissions tout court d’ailleurs !

À l’étage du dessous, mon grand père a installé sa TSF dans l’entrée et il a investi dans un fauteuil qu’il était le seul à utiliser pour regarder “les nouvelles”.
Ma grand mère n’avait pas le temps de regarder la TSF, et au pire, elle aurait posé une fesse sur une chaise. Mais s’assoir dans un fauteuil… à part pour lire, non vraiment quel intérêt ?

Puis nous avons déménagé et là il y avait une pièce en plus. La salle à manger, et le salon. Au début dans le salon il n’y avait que la télé et un lit à une place qui servait de canapé.
Mais les temps changeaient : c’était la mode du “salon” canapé et deux fauteuils, il y avait des pubs partout ! Tout le monde voulait son salon, sa table basse, les amis de mes parents investissaient même dans du cuir hors de prix !

Même les gens qui n’avaient pas de place, calaient un énorme canapé dans leur salle à manger, derrière la table et les chaises ! Une fois assis dedans on ne voyait plus rien (enfin si les chaises) mais il fallait un canapé et deux énormes fauteuils !

Pour ma part j’ai trouvé ridicules et inutiles les énormes fauteuils qui prennent tant la place ! Tout ça pour caser une seule paire de fesses ! Je préfère deux canapés si c’est possible, ou alors un canapé et des fauteuils de style, ou des fauteuils plus petits pas forcément les mêmes que le canapé mais qui ont le mérite de se déplacer facilement ! Même une simple chaise avec accoudoirs me paraît préférables aux fauteuils mastodontes !

Mais revenons à notre canapé ! Mes parents finirent par voir l’utilité du canapé car il pouvait servir de lit d’appoint. Un soir en rentrant de la campagne, dans une petite ville paumée, mon père aperçut un “salon” en solde dans un magasin de meubles. Un canapé et deux fauteuils aux accoudoirs en bois, et coussins en velours verts.

C’est ainsi qu’ils ont investi dans un salon d’un modèle que j’ai toujours trouvé horrible, mais ils m’ont fait la grâce de ne pas choisir le modèle à grosses fleurs… avec qui j’ai fait connaissance plus tard chez mes beaux parents !

Camomille et moi avons trouvé un usage très pratique du canapé : un oreiller posé sur l’accoudoir, la tête sur l’oreiller, les pieds au milieu, chacune d’un côté et très souvent une couverture sur nous ! Mes parents prenaient les fauteuils, mon frère se mettait par terre car il ne tenait pas en place pour regarder un film.

Depuis je n’ai pas changé, je suis rarement assise “normalement” sauf si j’ai le PC sur les genoux.

Mes parents apprirent à servir l’apéritif dans le salon sur la table basse. Les usages veulent aussi qu’on quitte la table pour boire le café au salon. Seule ma sœur Camomille fait lever ses invités. Personne de la tribu n’a adopté cette coutume. Pour ma part je trouve que ça casse l’ambiance, et que l’on peut se trouver séparé d’un voisin avec qui on discutait bien. D’ailleurs Camomille a renoncé à faire lever Cédric qui est toujours parti dans une discussion avec un convive, lequel convive ne quitte pas la table non plus. 

Aujourd’hui on imagine pas se passer de canapé. Les mœurs ont changé ! La vie s’articule autour du salon !

La salle à manger était la pièce principale des familles modestes. Regarder la télé, recevoir des invités ce n’était pas une priorité, tout s’articulait autour des repas !

Aujourd’hui c’est plutôt le contraire : si des jeunes manquent de place ils n’auront qu’un salon et dîneront sur la table basse. Ou alors ils auront un un plateau et des tréteaux pour le jour où ils invitent !

Mais souvent je repense à ce premier “salon” qui a fait tant plaisir à mes parents !