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Je suis entre vie en juillet quand je “descends” tous les week-end pour “remonter” la semaine…
Cela m’a toujours amusé ces “descendre” et “remonter” !
Je suis entre deux vies, je vis deux vies…

Mais cette année il y a du changement, souvent on me demandait pourquoi je ne profitais pas de l’absence de mes filles (et aussi du chat et de la tortue) pour rester un week-end chez moi à m’amuser…
Il est vrai que depuis un certain temps “profiter de leur absence” ne se limite pas à l’été, vu que je suis presque toujours seule… Mais avant je n’avais aucune envie de rester là, à regarder le soleil briller, à entendre les voisins allumer leur barbecue, en me disant que toute ma tribu est à la Sauvageonne, où le soleil cogne plus fort, et où il y a une piscine !

Et bien cette année, je suis restée un week-end chez moi. Pour le soleil c’était raté, mais je ne me suis pas ennuyée du tout ! Je suis sortie le vendredi jusqu’à 2 h, et le samedi j’étais invitée à un barbecue, le dimanche j’ai invité une amie à déjeuner dans mon jardin, et ensuite nous avons marché dans la forêt…

Deux vies aussi parce que mes filles vivent plus à Grande Ville du Sud pour l’une, à Petite Colline pour l’autre et que je partage avec elles, même loin, des lieux, des gens…

C’est ainsi que Jérémy m’a appris la mort d’un ami de jeunesse. Il savait que je le connaissais bien sûr, qu’on se disait toujours bonjour. J’ai sûrement parlé de lui ici, puisque j’ai partagé avec lui des fêtes et des souvenirs. Il fait partie de ces copains que j’ai connu très jeune, à 16 ans, jamais perdu de vue. Il était toujours gentil, souriant, il est souvent venu faire la fête à la Sauvageonne. Plus tard il a déménagé, il y a eu quelques années où je ne le voyais plus. Quand je l’ai revu, je l’ai reconnu bien sûr, lui aussi, nous étions alors jeunes parents de deux filles tous les deux. Ensuite tous les ans je le croisais, on discutait 5 minutes. Je ne dirais pas que nous étions proches, ce serait faux. en tout cas pas si proches que nous l’étions quand nous étions jeunes, mais je l’ai toujours bien aimé.

Alors bien sûr ça fait tout drôle d’apprendre sa mort. Pour moi il sera toujours un gamin… Et puis il n’est pas vieux, (j’en parle au présent, bizarre), il a mon âge !
L’âge d’avoir des filles de l’âge des miennes, c’est trop tôt pour mourir….

Ce n’est pas la première fois que j’apprends la mort d’un ami de jeunesse, pas vraiment proche, plus vraiment un ami, mais c’est la première fois que je peux me rendre à son enterrement.

Sur la route tandis que je “descendais” les souvenirs affluaient sur l’écran noir de mon pare-brise. Grand, mince des boucles brunes, un style à la Julien Clerc. Un grand sourire, des taches de rousseur sur le nez… Sa façon de m’appeler “Mademoiselle”. À l’époque, les slows existaient encore (si, si !) et il m’invitait tout le temps, au moins une fois par soirée. Ma sœur et mes copines me disaient que c’était le plus gentil de toute la bande. Je me souviens d’être montée derrière lui en moto et d’avoir eu une peur bleue. Je me souviens de lui à l’armée, quel massacre d’avoir rasé ses boucles brunes ! D’ailleurs les seuls photos que j’ai de lui, c’est quand il n’avait plus de cheveux !

Le samedi je suis à l’église. On dirait que tout Petite Colline est là. J’écoute son éloge, et je me dis que ses amis, ses enfants, sa famille n’ont pas les mêmes souvenirs que moi. Je ne vois qu’un seul ami de jeunesse mais il ne me connaît pas, enfin il ne se rappelle plus de moi et ne dit plus bonjour depuis longtemps. Il y en a peut-être d’autres, mais les reconnaitrais-je ceux que j’ai connu à 18 ans et qui en ont 50 aujourd’hui ?
J’essuie quelques larmes, comment faire autrement ?
Je n’ose laisser de mot dans le registre, comment expliquer qui je suis ? Un jour peut-être je croiserai ses filles, car Jérémy les connait, il sera toujours temps d’en parler.

Puis la vie continue. Parfois je pense à ma propre mort, tout en refusant les propositions de ma fille de me dessiner ma future pierre tombale ! Et je me dis que moi aussi il y aura peut être des gens que je ne connaissais que de loin, des gens perdus de vue qui essuieront une ou deux larmes…

Camomille se souvient vaguement de lui, mais elle était plus jeune bien sûr. Et Martine qui sait toujours tout, ne sait pas qui il est.

Malgré ces nuages, je passe de bons moments avec ma tribu. Une soirée au bord de la piscine où mon beau frère Luc, pas très satisfait du son de mon lecteur CD pour danser, à réussi à amener sa voiture au bord de la piscine et la voiture a servi de sono.

Nous nous amusions comme des petits fous, petits et grands en train de danser, tout en attendant Athéna et Jim qui arrivaient tard. Lorsque nous voyons des phares monter la colline, tout le monde se précipite et Luigi mon neveu s’écrie : C’est pas vous qu’on attendait !

En effet ce sont les gendarmes que des voisins grincheux ont appelé ! Ce qui nous fait bien rire, parce que les enceintes d’une voiture comme sono, c’est au moins 100 000 watts ! Mais ils sont souriants et mignons, et nous disent de continuer à nous amuser, mais c’était sympa “Les Communards” on a pas entendu ça depuis longtemps !
Hihi !
Nous avons appris ensuite qu’un des voisins (quand on dit voisins, il faut comprendre, voisins de l’autre côté de la route, sur une autre colline), est un enquiquineur (restons poli) qui porte plainte contre tout le monde… Y compris le camping des N’hollandais… Bien fait ! Hihi !

Puis je repars en fin de week-end, en quittant mes filles et leurs chéris.

Jeudi soir, je suis chez moi, je charge la voiture pour partir de nouveau.
Le quartier commence à être désert, plus beaucoup de voitures stationnées dans ma rue, des volets fermés. Un homme met des enveloppes dans les boîtes aux lettres et me voyant charger ma voiture, me demande si j’habite là, je dis oui, il me donne une enveloppe. Quand je vois que c’est une enveloppe de deuil, je sens tout de suite que ce n’est pas une vague connaissance, je sais que ça va faire mal.

J’ouvre l’enveloppe et je lis que ma voisine, la petite mamie si gentille, Marguerite que j’ai toujours connu a quitté ce bas monde… (j’en parle ici)…

Je me dirige vers l’entrée de l’impasse, car je me doute qu’il y a là aussi une enveloppe (j’ai deux boîtes aux lettres)…  Je discute avec ma voisine, son petit garçon est en train de pleurer et son mari Grégoire est parti aux nouvelles, dans la maison du fond de l’impasse où les volets resteront clos.

Mes voisins partent en vacances en même temps que moi, il n’y aura personne à la messe pour dire Adieu à Marguerite. Et comme elle souhaitait qu’on disperse ses cendres, il n’y aura pas non plus de tombe où aller la voir ensuite. Je suis contente (si tant est que le mot soit approprié) de l’avoir appris avant mon départ, le petit (du week-end) et le grand pour les vacances, et d’avoir pu en discuter un peu avec ma voisine, de partager… on en a toujours besoin !
Mes filles sont loin et je vais devoir attendre de les voir pour leur dire.

Je prends la route et là encore, les souvenirs affluent sur l’écran noir de mon pare-brise. Je peux dire que j’ai toujours connu Marguerite. Elle a vu mourir toutes les vieilles dame de l’impasse, elle était la dernière…

Martine m’appelle pour savoir où je suis. Je lui explique que j’ai été retardée car j’ai appris la mort de Marguerite (elle la connaissait bien sûr). Elle me répond  : Ah bon ? Au revoir, Bisous !
Je suis choquée et frustrée, et espère qu’elle a une excuse : elle n’a rien entendu par ex….
En fait elle a très bien entendu puisqu’elle l’a dit à Artémis, mais elle ne trouvera aucune explication valable à me donner, je vous jure ces mères !

Puis le téléphone sonne. C’est Grégoire mon voisin. Je ne sais plus ce que je dis, mais je sais que je parle tout de suite de Marguerite. Il me dit qu’il voulait juste savoir si j’étais au courant….
Bizarre vu que j’ai parlé avec sa femme ! Il me dit qu’il est tout retourné, et je comprends. Il a besoin de parler tout comme moi, alors nous parlons….

Quand je lui raconte que j’ai trouvé l’enveloppe et que je suis allé parler avec sa femme, je me dis que c’est bizarre que les couples ne se parlent pas… Ou alors ce n’était pas important de me mentionner ? Ou alors ils sont tristes chacun dans leur coin ? Ou alors il voulait me parler et savait très bien que j’étais au courant ? Je pense qu’il savait que je savais !

Je constate une fois de plus qu’un homme de mon entourage a besoin de mon oreille attentive…

À la Sauvageonne, Artémis selon son habitude, n’exprimera rien de ce qu’elle ressent. Athéna poussera un cri d’horreur et voudra tout savoir.

Mercredi matin, je vais fermer la maison pour un mois. Et pour la première fois, je me dirai qu’il n’y a plus Marguerite, juste en face pour avoir un œil attentif sur mes volets fermés.

Qui la remplacera ? Je ne sais pas et je n’ai même pas envie de savoir ! Ma voisine la plus proche a été remplacée par sa petite fille, cela reste en famille… Mais remplacer Marguerite, c’est mission impossible, ça donne presque envie de détester les nouveaux propriétaires !

Une page se tourne. Mais rassurez vous, je vais très bien, je reviens fin août !