Marguerite est ma voisine. Elle a maintenant 83 ans.
Elle habite une petite maison au fond de l’impasse. Je l’ai connue avec son mari qui portait le même prénom que mon père. Ils n’ont pas eu d’enfants.

Marguerite est la doyenne de notre petite allée. Tout le monde la connait, elle a d’ailleurs connu mon oncle et ma tante qui ont habité longtemps ma maison, et qui viennent de mourir.

Marguerite est une petite bonne femme qui pète le feu, bavarde, hyperactive. Elle tutoie tout le monde, m’appelle ma chérie, appelle aussi mes filles mes chéries. Chaque fois que je la vois, elle me dit que mes filles deviennent belles et grandes, qu’elles sont adorables et bien élevées. Elle est belge et très amusante avec ses expressions à part.

Marguerite a le double de mes clés, c’est elle qui vient quand l’EDF passe relever le compteur. C’est elle que mes filles vont voir, les étourdies, quand elles oublient leurs clés ! Elle prend aussi les colis de tout le monde, le facteur la connait bien !

L’été, au mois d’août, elle a les clés de toutes les maisons, y compris la mienne, où elle va arroser les plantes, ouvrir les volets, voir si tout va bien. 

Marguerite avait des amis de son âge dans la petite allée. Quand je suis arrivée dans la petite allée, il y avait surtout des retraités. Hélas ses amies sont mortes une à une, et les maisons sont maintenant habitées par des jeunes couples avec enfants.

Le mari de Marguerite est mort la même année que mon père. Marguerite aimait bien mon papa, du temps où il venait tondre ma pelouse, puis elle avait connu aussi ma maman, quand en retraite à son tour, elle venait avec mon père jardiner en semaine en mon absence.

Un jour Marguerite nous avait invité à prendre le thé chez elle. Son mari était encore de ce monde, après une attaque il était incapable de parler correctement mais comprenait tout ce qu’on lui disait. Eugène et lui étaient de la même année, c’est ainsi qu’ils ont découvert qu’ils avaient habité la même rue à Versailles !

Nous ignorions que c’était la dernière fois, Eugène, mon père, est mort en mars, et le mari de Marguerite est mort en octobre, j’étais allée à son enterrement avec Martine.

Marguerite me demande toujours des nouvelles de ma maman, aussi le premier mai, je vais lui offrir un brin de muguet et je dis à Martine de m’accompagner.

C’est là que je viens à la condescendance ! Long préambule, mais il fallait bien situer le personnage !

Comme je l’ai dit, Martine est une personne très bavarde, et les bavards sont parfois des timides qui font du remplissage ! Elle est aussi relativement complexée, quand elle estime que les gens face à elle sont d’un milieu “supérieur” au sien.

Donc si il est impossible de la taxer de snobisme, il n’en reste pas moins la condescendance !

Et ce n’est pas la première fois que je la prends en flagrant délit de condescendance vis à vis de Marguerite !

Comment décrire la condescendance ? Difficile ! Des petites phrases comme ça, un comportement…

Pour moi, malgré la différence d’âge (Martine a 70 ans) elles sont des égales !

Pour ma part je traite Marguerite d’égale à égale, et la condescendance de Martine m’agace au plus haut point !

Marguerite tutoie Martine voire lui tapote l’épaule.

Comment ça se manifeste : quand Marguerite parle de sa vie, Martine a des petites phrases “ça vous occupe”, “oui je comprends”… Elle si bavarde d’habitude ne parle pas, à part pour dire  : ben moi ça va, je suis très occupée avec mes petits enfants…

Un jour Marguerite nous avait fait gouter un vin blanc qu’elle commandait chez un producteur, en sortant de chez elle Martine me dit : “demande lui donc l’adresse pour en commander, ça lui fera plaisir”.
J’avais failli répondre du tac au tac que  Marguerite n’avait nul de besoin de “charité, pitié”… de CONDESCENDANCE !

J’ai le plus grand respect pour cette petite dame dynamique et optimiste qui pourrait servir d’exemple à beaucoup ! 

Ce premier mai, en sortant Martine n’a rien dit, alors que Marguerite nous avait parlé de beaucoup de choses : son éducation chez les religieuses en Belgique avec la messe tous les matins, ses parents ouvriers dans une filature à Roubaix, elle vivait chez ses grands parents petite.
Son mariage avec un homme de six ans son cadet, l’opération qui l’avait privée de maternité !

Rien, pas un mot, alors que ce n’est pas son genre, je lui reproche souvent d’être commère !

Bien sur je pourrais dire à ma mère, comme si c’était ma fille : Si tu pouvais éviter ce ton condescendant avec Marguerite ! Mais je sais que cela ne servirait à rien !