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La semaine dernière j’étais avec mes filles et le copain de ma fille aînée dans un petit village, pour la première fête de l’été. Un petit bal de campagne, avec un orchestre brésilien. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais j’aime cette ambiance. Le paysage était joli, cela sentait la merguez, les bruits, les odeurs. Je regardais la lune rouge, par dessus un muret, la place du village est perchée en hauteur, la route est en contrebas. Et tout à coup je suis revenue en arrière. Je me suis rappelée une histoire ancienne.

C’était en 1994. Mes filles avaient 4 et 6 ans. J’étais en vacances, c’était la fin du mois de juillet. A cette époque, j’avais souvent une petite crise de cafard au début des vacances. Je me rappelais mes belles années.

Et mon mari refusait de sortir la plupart du temps. Ce soir là il me laisse donc aller au bal du village avec ma fille aînée et mon petit neveu. Il ne sort pas sous le fallacieux prétexte de garder la petite. Or entre sa grand-mère et ses tantes, la petite pourrait très bien se passer de son père pour une soirée !

Ce soir là j’avais une jolie robe et j’avais passé du temps à me maquiller, tout en étant persuadée que ça ne servait à rien. Lorsqu’on est plus regardée depuis des années par son conjoint, on finit par se persuader qu’on a perdu toute capacité de séduction. C’était l’époque où les bals de campagne marchaient moins bien, comme je le dis ici.

Nous étions là, sur ce plancher aux trois quarts vides, les petits et moi à danser sur du techno, lorsque je tourne la tête et je me mets à regarder un homme dont je ne vois pas le visage. Et c’est là que le destin frappe un grand coup, ou alors le pouvoir de l’amour, car il est plutôt petit, plutôt grassouillet, plutôt pas très bien habillé, en un mot comme en cent pas vraiment le genre d’homme que je regarde dans la rue !

Comme tous ceux qui se sentent regardés, il se retourne, je baisse les yeux, gênée…

À ce moment là je suis  seule sur la piste. Il est installé un peu plus loin contre un poteau, me tournant le dos. Il est avec d’autres personnes. Sa femme probablement, un autre couple, et plusieurs enfants.

Cependant je continue à le détailler, car même si la ressemblance est frappante, je ne suis pas sûre que c’est lui. Je l’ai reconnu à ses pieds et à ses oreilles. Je le connaissais par cœur il est vrai ! Régulièrement il tourne la tête comme pour regarder au loin mais je sais qu’il me regarde.

Puis il est parti seul dans le noir. Je l’ai suivi, entraînant avec moi les enfants, mais tout de même mon cœur battait la chamade, je me demandais si j’avais toute ma raison et si c’était vraiment, vraiment lui.

Il a avancé vers une ruelle et il a fait demi tour, il est venu vers moi avec un grand sourire :

- C’est bien toi !