La nuit est calme et douce. La femme est assise sur un fauteuil en rotin. La terrasse en bois, avec sa balustrade en bois peint en bleu fait penser aux séries américaines. De la fenêtre ouverte parviennent les bruits de conversation d’un dîner qui se termine. Quelques rires, quelques échanges. C’est doux, calme.

La femme s’étire et regarde sa robe rouge à pois blanc sur ses genoux. Elle regarde les bouquets d’arbre au loin et essaye de reconnaître des formes. Elle a un verre à la main mais il est vide. Elle sent une présence derrière le fauteuil en rotin. Quelqu’un s’est avancé silencieusement sur la terrasse. Un fumeur sans doute. Elle soupire intérieurement à cette idée ! Si c’est le cas, elle va devoir partir ou lui demander d’aller plus loin,car la fumée va gâcher ce bon moment.

Mais au fond d’elle, elle sait très bien que cette présence n’a rien à voir avec la fumée. Elle ne le voit pas mais elle le sent tandis qu’il se rapproche d’elle. Elle sait qu’il est grand. Plutôt bel homme. Cheveux bruns et drus coiffés avec du gel, barbe de deux jours. Il porte un pantalon de safari beige foncé et un polo, tout cela lui fait penser à un film !
Elle ne se voit plus dans une série américaine, mais au fin fond de l’Afrique en vacances chez des hôtes richissimes !

Il parle :

- Tu fumes ?

- Non pourquoi je devrais ?

Il rit doucement : je te voyais là, j’ai pensé que tu étais sortie fumer !

- Il faut croire que c’est rentré dans les mœurs !

Il s’est assis. Sur un pouf en rotin aussi, à côté d’elle, plus bas qu’elle. Il fixe l’horizon et elle sent qu’il a du mal à parler. C’est pour ça qu’il est venu là… Elle ne fait rien pour l’aider !

- Tu vas me faire la morale ?

- Non pourquoi je devrais ?

Il rit de nouveau : tu réponds toujours à une question par une question ?

Elle rit à son tour :

- Ça aussi c’est rentré dans les mœurs on dirait  ! Pas de répondre à une question par une question, mais de faire la morale !

- La faute à la télé réalité sûrement !

Elle a posé son verre vide : il faut bien que ce soit la faute de quelqu’un !

Puis elle reprends :

- Allez Baptiste je vais t’aider ! Je sais pourquoi tu es là ! Non seulement je ne te ferai pas la morale, mais je ne dirai rien à personne !

- J’avoue que je tremble depuis mardi ! Quand je t’ai vue de loin…
La main dans le sac, pris en flag en bonne compagnie ! Et même pas une chance de faire passer la dame pour une collègue ou une parente, vu la situation… J’ai eu peur ! J’étais à deux doigts de t’appeler, encore que je ne suis même pas sûr d’avoir ton portable… Mais je me suis dit… Bon mon vieux Baptiste, va falloir assumer ! Et puis j’avoue, j’avais peur de passer pour un gamin qui a fait une grosse bêtise et supplie pour qu’on ne le dise pas à ses parents !

- Tu pensais que j’avais déjà le portable à la main, à peine remontée dans ma voiture, pour appeler Julie ?

- Je ne sais pas ! Je ne te connais pas si bien que ça au fond ! C’est vrai que tu es plutôt calme, mais on ne sait pas comment peuvent réagir les gens…

- Pas faux ! Il y a les adeptes du “je dois lui dire c’est mon amie”, et les adeptes du “pourquoi la faire souffrir inutilement, elle le saura bien assez tôt… ou pas du tout” !

- Et toi tu es adepte de quoi ?

- Je suis adepte du “ça ne me regarde pas et je n’ai pas à juger les gens !”

- Ça doit être rare ! C’est signe de sagesse !

- C’est signe que je suis vieille, Baptiste !

- Toi vieille ! Laisse moi rire ! Tu es une femme magnifique !

- Euh bon, c’est bon ! Je crois que tu as assez de femmes dans ta vie !

Elle s’est levée en riant comme si elle voulait fuir ce tête à tête après ce compliment !
Lui aussi s’est levé, soudain détendu souriant. Quel bel homme ! Un peu trop sérieux cependant !

Des voix parviennent de l’intérieur de la maison :

- Louisianne, Baptiste, venez prendre un digestif !