Il y a les soirs où je me retrouve seule (et vu que je n’ai plus qu’une seule fille, ça va m’arriver de plus en plus souvent). Des soirs où je me dis : ouf une soirée tranquille ! Je me prépare un petit repas vite fait, je passe  la soirée à regarder la télé, à lire ou sur mon PC. Ces soirs là quand ma mère téléphone pour prendre des nouvelles j’ai presque envie de lui dire :
- c’est bon, ça va, je n’ai pas envie de parler une heure là pour une fois j’ai une soirée tranquille !
Je suis d’une nature optimiste… Heureusement, j’en serais où sinon ?

Mais il y a les soirs où je me retrouve seule et rien ne va. Je suis comme un animal traqué, j’ai envie de me rouler en boule. Je n’ai même pas envie de me faire à manger, je regarde mes quatre murs et le plafond blanc. Ces soirs là quand ma mère m’appelle c’est pour me parler de sa solitude. De quel droit ? Elle a été heureuse 40 ans avec mon père !

C’est quoi cette vie où les seules lettres que je reçois sont  des factures à payer ? Où il n’y a jamais de bonnes nouvelles ? Et encore il faut s’estimer heureuse de ne pas avoir de mauvaise nouvelles ! J’ai fait quoi pour mériter ça ?

Je n’ai personne dans ma vie, ces choses là ne se disent pas. Je regarde en arrière, bien sûr je ne suis pas la seule à avoir divorcé, sauf que je n’ai jamais été heureuse en couple. Ces soirées à ne rien faire à part regarder la télé mais où on est heureux parce qu’on est ensemble… connaît pas. Si je veux être totalement pessimiste, je peux faire pire : je n’ai jamais été choisie… pour une nuit à la rigueur, pour la vie bof !

Si je regarde l’avenir ce n’est guère mieux. Je vais faire quoi quand mes deux filles seront parties ? Personne ne m’attendra, je n’attendrai plus personne. Plus de clé qui tourne dans la serrure, plus de sac jeté avec désinvolture dans l’entrée, plus de  : maman t’es là ?
Bien sûr je pourrais enfin voyager. Je verrais sûrement des endroits merveilleux avec des gens merveilleux. Mais une fois que j’aurai posé mes valises et noté toutes les adresses mél, je sais trop bien comment ça se passe. Peu nombreux sont ceux qui gardent vraiment le contact !

Je peux aussi regarder le calendrier, quoi j’ai déjà cet âge là ? Si c’était trop tard ? Trop tard pour tout. Tout ce temps perdu à me chercher. Et maintenant que je sais enfin où je vais, si c’était trop tard ? Il y a toujours une bonne âme pour me rappeler mon âge ! Pourtant j’ai l’impression d’être une petite fille seule et triste qui regrette les bras protecteur de son papa.

Quand je suis invitée chez ma soeur Camomille ou chez mon frère Cédric, je me dis qu’ils ont de la chance. Un couple uni, des enfants, une belle maison. Ma petite sœur Servane vient de divorcer, elle a passé une mauvaise période. Mais comme elle est jeune et jolie, trois mois après elle avait déjà quelqu’un dans sa vie. Bien sûr ça ne veut pas dire que c’est le bon et que ça va durer. Mais ça suffit pour ajouter de l’eau à mon moulin : je suis la laissée pour compte de la famille.

J’aimerais bien sortir, m’amuser. Les nuits blanches à Paris, les journées du patrimoine, j’aurais bien fait un tour, mais seule ? Habiter près d’une ville où il y a tant de choses à faire et ne pas en profiter ! Pendant une période je faisais beaucoup de choses seule, y compris aller au resto seule, mais je m’en suis lassée. Même si on part en se disant youkadi youkada, tout va bien, je gère, j’assume, je ne vais pas pleurer au coin du feu, c’est pas bon pour le moral d’être seule au milieu de la foule, de voir des couples, des groupes.

Bien sûr dix jours d’arrêt maladie n’arrangent pas mon moral ! Je suis repartie travailler hier en boitillant. J’étais comme ça hier soir, Artémis mangeait avec des copines. Je me suis endormie et réveillé à 5 h du matin et j’ai inondé mon oreiller de larmes. C’est malin j’ai les yeux bouffis au réveil…