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Le premier jour de la semaine. Celui où je sens que c’est vraiment reparti pour un tour, puisque je ne redescends plus à la Sauvageonne…

Je suis assise dans le train relativement vide, seule sur un groupe de banquettes de 6, la musique en sourdine dans mes oreilles.

Un homme la soixantaine, qui vient de monter, s’adresse à un couple, devant moi :

- Excusez moi, c’est gênant de demander ça, mais vous auriez 50 cts pour acheter une demi baguette ?

Il ne fait pas de discours haut et fort pour tout le wagon. Il est discret. Propre sur lui, un peu maigre, grisonnant.

Le couple refuse, il se dirige vers un jeune seul, de l’autre côté de l’allée, face à moi. Pas de monnaie.

Quand il arrive à moi, j’ai déjà ouvert mon porte monnaie. Il me dit :

- Je vous assure madame, c’est pour du pain, pas pour boire !

Je ris ! Comme si j’allais lui faire la morale 


Je n’ai pas trouvé de pièce de 50 cts, je lui donne 2 €.

Il prend la pièce sans la regarder, puis me dit “merci Madame, bonne soirée, c’est toujours gênant de demander !”

Il part et se met près de la porte, la prochaine station est bientôt. Puis il regarde la pièce et revient me voir :

- Je pourrais en acheter une entière !

- Oui même deux !

- Une pour aujourd’hui, une pour demain ! Merci beaucoup ! 

Il me demande :

- Vous sortez du travail ? Vous avez un travail qui vous plaît ?

Je réponds oui. Je me vois mal me plaindre de mon chef, avec mon Aïe-Fone (signe extérieur de richesse) dans les oreilles !

Il me parle tout en ouvrant son porte monnaie pour mettre la pièce. Dans son porte monnaie il n’y a qu’une clé, pas de pièces. Il est un peu naïf, mais pas idiot.

Il me dit qu’il est au chômage qu’il avait un travail qui ne lui plaisait pas trop. Il a été mal orienté dans l’enfance. Il lavait des tombes dans les cimetières (aussitôt je pense à Athéna et je souris) et un autre travail de nuit, il lavait les personnages âgées dans les hôpitaux, “qui faisaient sous elles”. Personne ne voulait le faire, mais il préférait ça, il y avait un côté humain.

Je souris, j’approuve. Puis il me dit “c’est bientôt ma station ! Bonne soirée, Madame, encore merci !”

En fait il attendra encore debout 2 stations avant de sortir, j’apprécie sa discrétion ! Il ne s’est pas imposé !

Il n’a pas fait le tour du wagon pour continuer à faire la manche. En sortant sur le quai non plus, il a pris l’escalator. Il ressemble à tout le monde.

J’ai presque les larmes aux yeux. Je suis contente d’avoir quelque chose de bien aujourd’hui.