artemisC’était hier le 8 mai…

Un jour bizarre… Athéna est toujours dans Grande ville du Sud et reporte son retour, pour cause de jour férié… Et oui ma blonde avec qui on ne s’ennuie jamais s’est retrouvé un copain à distance…

Artémis attend le retour de sa sœur, et une copine qui vient passer le week-end… Elle est un peu nostalgique…

Une longue journée s’annonce. Il va faire chaud dans le jardin. Mais je n’ai rien de prévu, ni sortie, ni visite. De plus la brocante bloque les rues pas loin de chez moi, je n’ai pas vraiment envie de prendre la voiture.
Le matin tandis qu’Artémis est encore au lit, en bougeant la souris je vois un document word ouvert, un poème, je lis trois lignes et je comprends qu’elle parle de la maison de campagne
Je ferme vite de peur d’en lire plus, de me faire lyncher…

Je la comprends : j’y pense aussi beaucoup quand le soleil revient. Un week-end prolongé, j’y serais allée. J’entends le vent dans les feuilles, je ferme les yeux et j’y suis. J’en rêve souvent.

Artémis émerge vers midi. Nous mangeons, je finis un livre au soleil. Artémis se fait bronzer, refuse de m’accompagner faire un tour à la brocante…

Vers 20 heures je me dis que je vais prendre la voiture et y aller. Dans une heure j’y suis. J’aimais bien ces soirs où on arrivait vers 21 h, il faisait encore beau, et cette impression d’avoir changé d’univers en pleine campagne…
Puis je pense à autre chose. Et vers 20 h 30 nous mangeons dehors Artémis et moi. J’essaye de la faire parler, pas facile. Je lui dis : “tu veux qu’on aille à la campagne”
- maintenant ?
- oui….
Elle me pose des questions :
- on pourra rentrer ?
- non pas la nuit, mais si on y va dimanche, on pourra.
- tu connais le propriétaire ?
- oui bien sûr, je l’ai vu plusieurs fois et je l’ai vu chez le notaire aussi.

Je lui pose des questions à mon tour :
- ça ne te fait pas peur ? Tu ne vas pas pleurer ? Tu sais qu’il y a une maison neuve dans le champ ?
- j’en rêve toutes les nuits,  j’y serais allée de toutes façon !
- comment ? 
- en stop. Je veux être toute seule.
Je frémis à cette idée. “tu iras avec moi et tu ne seras pas seule”.

Je lui demande encore si elle ne préfère pas un autre jour.
- non tu l’as dit on le fait !

Elle se prépare pendant que je débarrasse la table. Elle me dit où elle veut se garer. Je dis qu’il fera nuit c’est mieux, je n’ai pas envie de croiser mes anciens voisins qui se demanderont ce que je fais là et voudront m’offrir un café. C’est un pèlerinage pas des retrouvailles. Artémis me demande pourquoi je veux y aller.
- je veux exorciser mes démons. Je n’en rêve pas toutes les nuits mais très souvent.

Je lui demande si on n’est pas folles. Elle dit non. Au prix de l’essence, c’est sûr je suis folle. Mais Artémis n’est pas gênée d’avoir une mère folle.

Nous partons. J’ai peur de me dégonfler. Je lui dis que si je me dégonfle, je la laisserais au carrefour. Mais je ne pense pas. J’ai peur pour Artémis. Je lui dis “je ne t’en voudrais pas si tu renonces au dernier moment”.

En route Athéna appelle sa soeur. Vous allez où ?
- En Normandie
J’entends Artémis, pas Athéna : “ben à ton avis il y a quoi en Normandie. Des vaches ! Oui tu as raison on va traire les vaches ! Tu es blonde ou quoi ? Tu veux que je t’achète un cerveau… Ah ! Ça y est tu trouves ! Comment ça elle existe plus ! Elle n’a pas été rasée, banane ! Oui on sait qu’elle n’est plus à nous !”

Quelques kilomètres avant je pleure… Mais ça passe. La nuit est tombée depuis peu. C’est mieux. Nous arrivons au ralenti. Nous passons devant la nouvelle maison, banale comme les autres. Puis la “notre”. Je vois qu’elle n’a pas changé, qu’elle est même plus jolie qu’avant.

Je me gare un peu plus loin dans les bois. Artémis descend vite, pour être seule avant que j’arrive. Elle me dit que le voisin a un détecteur de présence, que je dois passer là pour éviter que la lumière ne se déclenche. J’avais oublié, pas Artémis qui se baladait le soir avec ses cousins.

Je prends mon temps. Il fait nuit. D’ici je ne vois pas les maisons neuves, je ne vois que la voisine de droite qui a toujours existé et la mienne. J’avance. Artémis est accroché au portail. Ça me gêne même si la maison parait vide, aucune lumière même au travers des volets. Tous les arbres sont là. Le merisier, les sapins, le cerisier. Les barrières ont été repeintes, le bas de la maison refait, elle est plus jolie. Il y a un trottoir en pavé, sur lequel est ma fille. Bonne idée, en plus c’est joli. Je prends des photos sans flash. Bien sûr le jardin est rétréci.

La maison de gauche, celle qui me faisait si peur ? Elle est banale, quelconque. Elle n’a rien à faire dans mes souvenirs, et il n’y a plus rien de reconnaissable dans le terrain sur lequel elle a été construit : plus un seul arbre. Derrière cela n’a pas changé, mais on ne peut pas le voir. Je m’attendais à tellement pire, je m’attendais à avoir tellement mal que je suis soulagée.

Je dis plusieurs fois à Artémis de s’éloigner. Si une voiture passe. Elle s’éloigne du portail et cueille des feuilles du buis, lui aussi toujours là. Je me rappelle que le propriétaire avait même gardé les meubles de ma grand mère. Puis nous partons. Artémis râle un peu parce que j’ai parlé, et je l’ai gênée.

Dans la voiture, je tourne la tête plusieurs fois vers elle. Elle ne pleure pas. Elle me dit qu’elle est contente. Moi aussi. Quelques kilomètres plus loin je ne pense même plus à ce qu’on a fait.

J’avais toujours pensé le faire. Mais pas comme ça, pas sur un coup de tête. Mais je pense que j’ai du attendre inconsciemment le temps qu’il fallait. Et j’ai fait quelque chose d’important pour Artémis…