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J’ai toujours vu ce Picasso accroché au mur. Le dessin d’une corrida, avec le nom d’un toréador. Je crois que quand j’étais petite, il n’était pas sous verre. C’est pour ça que je sais qu’il est dessiné sur une toile fine. Eugène lui même ne sait pas où il l’a eu. Mon père était le spécialiste des salles de ventes, brocantes, et récupérait tout ce qu’on lui donnait. Il disait souvent que dans la maison, il n’avait acheté que peu de meubles, à part le canapé et le bureau.

Pas vraiment un tableau, un croquis vite fait. Souvent nous nous amusions à nous demander si c’était un vrai Picasso ou une copie. Nous nous amusions à croire que nous étions riches. Mais aucune importance, l’aquarelle était très bien où elle était.

Je n’ai jamais trop accroché à la peinture de Picasso, mais celui là faisait partie de la famille !

Je crois avoir vu un jour une photo de dessin sur papier qui ressemblait un peu à ce dessin. Mais jamais exactement le même.

Quelques mois après la mort de mon père, ma soeur Camomille, un dimanche en famille, nous dit qu’elle veut faire expertiser le Picasso. Il est maintenant chez mon frère qui a repris la maison. Elle dit que si c’est un vrai, on le vend et on se partage le magot.

Je ne suis pas d’accord : expertisez le si ça vous amuse, quoique c’est ridicule, mais le vendre, non il est très bien là sur le mur !

Mes deux sœurs s’écrient qu’on ne peut pas cracher sur l’argent, que je devrais songer à ce que je vais faire avec. Des arguments qui n’ont aucune prises sur moi, mais je laisse dire.
La succession dans une famille est le moment idéal pour confirmer qui est “intéressé” et qui se contrefout de l’argent, mais veut garder des choses qui ont une valeur sentimentale !

Finalement ma sœur emmène le Picasso, le sortant de son cadre, je lui dis qu’elle a intérêt à le remettre en place, elle m’avait déjà fait le coup de “m’emprunter” des photos de famille noir et blanc de mes albums en me jurant qu’elle les remettrait… pour finalement me les rendre en vrac dans une enveloppe !

Camomille va donc voir un vieil homme dans le fin fond d’une cour à Versailles. J’ignore comment elle a eu l’adresse. Le vieil homme est charmant, et finalement lui dit qu’il s’agit d’une affiche, créée pour une expo probablement.
J’ignorais qu’on faisait des affiches en toile !

Le vieil homme qui doit s’ennuyer, lui demande si elle a d’autres choses à évaluer. Les bijoux de famille ne sont plus ce qu’ils étaient !

J’aide ma sœur à remettre le Picasso dans son verre, puis au mur. Secrètement je suis ravie qu’il ne vaille pas un clou ! Mon père y tenait, c’est l’essentiel !