J’ai souvent ressenti cela sans être capable de l’exprimer.

C’est difficile à expliquer comme tous les paradoxes. Cela a commencé très jeune.

Celui avec qui je veux être tout le temps. Celui dont la présence est une fête, chaque seconde est précieuse, un trésor que l’on ne veut pas gâcher.

Du temps de Laurent, cette sensation était rare. Sûrement parce que la vie n’est pas la même quand on est jeune. Quand Laurent venait chez moi, ou plus exactement dans la petite maison de campagne chez mes parents, nous nous enfermions dans ma chambre, ou alors je le regardais bricoler mon solex. Ou encore j’allais chez lui le regarder bricoler et parler. Ou nous nous promenions dans les champs.

Une heure, deux heures quelques heures.

La sensation commence quand celui avec qui je veux être tout le temps est là, chez moi longtemps, très longtemps. Je ne peux rien faire si je suis chez moi (le cas le plus classique).

Je ne peux rien faire, rien entreprendre, rien commencer parce qu’il est là. Parce que j’ai envie de goûter chaque seconde de sa présence, et que si je fais autre chose, je vais le regretter ensuite, j’aurais pu attendre un peu.

Je ne peux rien faire car toutes mes pensées vont vers lui. Si une autre personne est là, ou plusieurs, je n’aurais pas envie de lui parler, je serai impolie, ou aors totalement distraite en faisant semblant d’écouter.

Je ne peux pas m’éloigner car j’aurais peur de l’abandonner, peur qu’il s’ennuie. Un invité de marque pour qui rien n’est trop beau, rien n’est trop bien.

Du temps de Laurent, cela m’arrivait rarement, sauf quand il y avait beaucoup de monde à la maison. J’étais chez mes parents, je n’avais pas de devoirs, de choses à faire….
Mais il m’est arrivée d’etre partagée, tiraillée, entre ces gens avec qui j’aurais aimé parlé plus et l’envie d’être avec lui, avec lui seul. J’aurais été plus détendue en son absence, et pourtant j’avais envie qu’il soit là.

Plus tard en grandissant, et avec d’autres j’ai retrouvé ce paradoxe. Chez moi uniquement. Cela suppose bien évidemment que l’on ne vive pas ensemble.

Je ne peux pas faire une lessive, ouvrir un livre, allumer mon pc parce que tu es là. Ça ne veut pas dire que les corvées me tentent, loin s’en faut, mais il y a des choses que j’ai prévu de faire…

Et c’est là justement qu’arrive le fameux paradoxe, la fameuse sensation :

Je voudrais que tu t’en ailles car je goûte trop ta présence et je ne peux rien faire d’autre !

Avec Tristan cela arrive rarement car nos heures sont courtes. Mais c’est arrivé pourtant une ou deux fois où il avait plus de temps. Nous avons vite trouvé un moyen de nous occuper ensemble : une douche… Ou alors un café partagé ou une grande balade dans les bois. Comme nous parlons beaucoup tous les deux pas de problèmes.

Sûrement qu’il faut profiter des ces moments… De ce paradoxe. Mon auteur préféré a écrit que toute passion finit par s’affaiblir :

On ne peut pas vivre constamment avec le coeur battant, les jambes qui flageolent, les yeux dans le vague et le stylo en l’air. Un jour ou l’autre on recommence à vivre normalement, à reprendre ses activités.

En est-il de même pour le paradoxe ? Un jour on ne fait même plus attention à la personne qui vit à côté de vous ?

Le grand manitou m’en a préservé je n’ai jamais vécu avec une passion.

Ce paradoxe me gênait, me chatouillait. C’est tout de même un comble de vouloir qu’il s’en aille ! Je ne devrais pas penser ça !

Je ne l’ai bien entendu jamais dit à Tristan :

Je voudrais que tu t’en ailles car je goûte trop ta présence et je ne peux rien faire d’autre !

Mais lui me l’a dit !

Pas de cette façon là mais autrement :

- Je ne peux pas travailler si tu es à côté de moi ! Je ne peux pas me concentrer, j’ai tout le temps envie de te sauter dessus. J’ai l’esprit qui vagabonde depuis que je te connais. il faut qu’on se dise au revoir sinon je ne serai bon à rien, je ne pourrais rien faire