clementine_bye_louisianneC'est donc le soir où nous allons dîner chez Laurent. Camomille, Luc, Cédric, Marianne et moi. Camomille est contente parce que nous allons voir le frère de Laurent, Benoît, qu'elle (et Cédric) n'ont pas vu depuis 15 ou 20 ans... Comme je l'ai dit, les dîners avec Laurent et ma tribu c'est à peu près tous les 10 ans.

Comme nous nous voyons rarement, je cherche, chez moi quelques albums photos où nous étions encore jeunes. Et je ris bien toute seule, l'après midi en fouillant dans mes souvenirs.

Nous prenons la voiture de Luc. J'apprécie de ne pas conduire pour une fois. Je donne les instructions à Luc qui les enregistre dans le GPS, je ne suis jamais allée chez Laurent depuis qu'il a quitté Paris pour la banlieue. Puis nous arrivons à l'heure, ce qui est exceptionnel, vu les bouchons.

Laurent et sa femme Léa nous accueille, les enfants nous disent bonjour. Benoît et sa copine sont en retard. Il fait noir et mon frère demande si le jardin est grand. Laurent, Cédric et moi sortons dans le jardin mouillé et Laurent nous montre les travaux qu'il a fait. Puis nous rentrons dans le salon, et je sors mes albums, les vieilles photos font bien rire les enfants de Laurent. Laurent est assis sur l'accoudoir de mon fauteuil, tandis que je lui commente les vieilles photos : "mais si rappelle toi, c'est Machin, c'était où ? Mais tu ne reconnais pas ?" Nous continuons à tourner les pages. Puis tout à coup je me rends compte que lui assis sur l'accoudoir de mon fauteuil c'est une vieille habitude. Je le regarde, il me regarde aussi, fronce les sourcils comme pris en flagrant délit, et il se lève.

Ensuite on sert l'apéritif. Je parle avec Léa. La dernière fois que je l'avais vue chez mon frère, cela s'était passé très bien. Non pas que ça se passe mal, loin s'en faut, mais j'avais senti qu'elle ne ressentait plus de méfiance ou d'animosité envers moi et j'en étais contente. Mais là je sens que je me suis trompée, ou alors c'est parce qu'elle était chez mon frère... Rien à faire il y aura toujours une tension. Puis Benoît arrive. De nouveau embrassades, échanges, et de nouveau photos. Je parle pas mal avec Benoît. Léa s'absente en cuisine, je parle avec le fils de Laurent, un ado. Je ne l'ai vu que deux ou trois fois dans ma vie, mais il m'amuse. Il est comme son père au même âge, pas une once de timidité, il parle comme si on se connaissait depuis 20 ans. Comme c'est un pro d'informatique et de musique, je lui pose une question compliquée, que je n'arrive pas à résoudre...

Puis c'est au tour de Laurent de montrer des photos. Des photos de la maison de campagne qui me file un coup de bourdon. Puis tout un album de lui. Lui bébé quand je ne le connaissais pas encore, (mais des photos qu'il m'avait déjà montrées). Puis lui à tous les âges, je les regarde avec ses enfants, en leur disant que je l'ai connu avec cette coupe de cheveux ringardes, ils rigolent, se moquent de leur père.

C'est l'heure de passer à table. Laurent place les gens. Je suis entre Benoît et mon frère, Laurent à l'autre bout de la table. Ambiance sympa, je parle beaucoup avec Benoît. C'est quelqu'un de simple, gai. Mon frère et ma soeur ont toujours une certaine réserve quand ils voient Laurent et Benoît, surtout si les rencontres sont espacées. Pas moi, Benoît je l'ai presque connu en barboteuse et même si je ne le voyais pas pendant 50 ans, je serais toujours aussi à l'aise. Nous parlons du présent et aussi des souvenirs.

Laurent se met à parler de ses projets au travail. Et dit à ma soeur et mon frère, "je ne sais pas si Louisianne vous a dit, Louisianne a eu le temps de vous dire ça, comme je l'ai dit à Louisianne..."
Il est question de choses et d'autres, de coups de fil entre nous "mais si je te l'ai dit au téléphone", pas étonnant que Léa ne m'aime pas trop.

Comme dans tous les dîners parfois nous parlons tous ensemble, parfois les conversations se croisent, des voisins s'isolent à deux. Mais parler avec Laurent à l'autre bout de la table, au dessus des têtes, je n'aurais pas cru. Nous parlons de vidéo projecteur. Laurent en a un et moi aussi. Ce qui n'a rien d'étonnant, une fois nous avions acheté la même table de salle à manger en même temps.
Je lui demande des trucs, il faudra qu'on en reparle... Les discussions techniques, c'est aussi une vieille habitude.

Puis l'évocation de souvenirs drôles à la maison de campagne, de bêtises de Cédric, Benoît, Laurent, Camomille et moi, d'amis communs ou de soirées.

Il est tard quand nous partons. En nous promettant de nous revoir bientôt, ils ne connaissent pas la maison de Camomille, mais je sais que ça peut être dans 10 ans !

Je rejoins enfin mon lit, j'ai du mal à trouver le sommeil. Mes filles rentrent à 6 h, le week-end elles vivent la nuit...

Les larmes d'habitude je les vois venir. Un jour de tristesse ou deux, un soir de blues, ou un moment d'abattement, de découragement.
Mais là elles déboulent sans prévenir, comme les grandes eaux au château de Versailles, sans même qu'un sentiment quelconque ait eu le temps de leur donner le feu vert.

C'est dimanche matin. Je me réveille et j'inonde mon oreiller de larmes.