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J’ai tou­jours essayé de ne pas dire du mal de leur père à mes filles. Bien sûr elles ne sont pas naï­ves et savent très bien quand il m’agace, et pour­quoi il m’agace ! Elles ont aussi une petite idée des rai­sons qui nous ont fait divor­cer. Mais c’est leur père, un père pas par­fait, mais un père qui aime ses filles. Un père qui leur a changé leurs cou­ches, leur a appris à faire du vélo, leur a lu des his­toi­res alors qu’il n’aime pas lire !

Bien sûr tout n’est pas rose, comme je l’ai lu une fois “Il n’y a pas de divorce sans lar­mes”. Mais passé le moment où on s’arra­che les yeux, la paix revient en quel­que sorte. En ce qui nous con­cerne, il a suffi que nous vivions sous deux toits sépa­rés pour être capa­ble de nous par­ler à peu près nor­ma­le­ment.

Il a fallu bien sûr un temps d’adap­ta­tion. Si Mon­sieur me disait au der­nier moment qu’il ne pre­nait pas les filles pour les vacan­ces, et que du coup je ne les avais pas ins­cri­tes au cen­tre aéré, il a fallu lui faire com­pren­dre que des enfants c’est de l’orga­ni­sa­tion. Les pre­miers week-ends il râlait, tour de manège et Mac do, plus cinéma, plus répon­dre à leurs ques­tions, Ouh la la ! Tout ça c’est épui­sant, et bon­jour le porte mon­naie ! Et moi je rigo­lais bien sous cape !
- Tu crois que je fai­sais quoi les mer­cre­dis ? Et sans râler en plus !

Ensuite les cho­ses repren­nent leurs cours, nos bla­gues débi­les :
- Tes filles ou les mien­nes ?
- Quoi ? C’est les mêmes !
- Ah c’est vrai !

Ou encore :
- Tu fais ce que tu veux avec tes filles, je fais ce que je veux avec les mien­nes !

Quand je réponds au télé­phone au bureau et que je me pré­sente : Loui­sianne Gran­de­rê­veuse, bon­jour !
- Bon­jour Madame Gran­de­rê­veuse, c’est Mon­sieur !

Un jour, le por­ta­ble d’Arté­mis sonne, et Athéna répond, car sa sœur est occu­pée :
- Je suis la sœur d’Arté­mis !
- Et moi je suis le père !
- Ah vous êtes le père d’Arté­mis ! Le père d’Athéna aussi alors ! Donc vous êtes mon père !

Quel­ques années après je fais à peu près la même chose, en répon­dant au télé­phone d’une de mes filles :
- Je suis la mère d’Athéna et Arté­mis ! Ah vous êtes le père ? On se con­nait alors ?

Fina­le­ment cha­que fois que lui et moi on s’engueule, c’est à cause d’elle ! Elle qui est jalouse de moi et de mes filles, elle qui pré­tend que je ne sais pas éle­ver mes filles, mais qui n’a jamais osé me le dire en face.
On se dis­pute car il répète mot pour mot tout ce qu’elle dit ! Sauf que moi, je sais très bien que ça ne vient pas de lui :
- Toi ou elle ? Mais je l’emmerde ta Mireille ! Et on ne dit plus “range ta cham­bre” à des fille de 19 et 21 ans ! Ça fait quoi qu’elle lais­sent leurs vête­ment par terre ! Quand elles par­ti­ront elles met­tront tout dans la valise ! Si tes parents en vacan­ces chez toi fai­saient la même chose, tu ne dirais rien !

Il râle, pour le plai­sir. Mais fina­le­ment il fait ce que je dis. Il n’arri­vait pas à com­mu­ni­quer avec Arté­mis. Je lui ai dit un jour “quand tu arrê­te­ras de ne lui par­ler que d’école, ça ira mieux”. Et ça a mar­ché.

Je me sou­viens même d’un jour, où Arté­mis allait mal, j’allais tel­le­ment mal moi même que je me suis mise à pleu­rer au télé­phone, alors que je pen­sais que mon ex était le der­nier devant qui j’allais pleu­rer. Il m’a con­so­lée.

Un autre jour, suite à une vio­lente dis­pute avec mes filles, j’ai cla­qué la porte, pris ma voi­ture, et je suis par­tie rou­ler dans la forêt, aveu­glée par mes lar­mes. Pré­venu par ses filles, Ben­ja­min m’a appe­lée, m’a ordon­née de m’arrê­ter, c’est vrai que je ne voyais pas la route, et m’a parlé une demi heure, jouant les média­teurs entre mes filles et moi.

Je suis sure qu’encore aujourd’hui, il serait prêt à se bat­tre pour moi.

Nous ne nous som­mes jamais détes­tés. Peut être ne nous som­mes nous pas assez aimés pour ça.
Mais au moins main­te­nant les rela­tions sont cor­dia­les.

Nous n’étions pas faits pour nous enten­dre. Mais ça reste un mec bien, même si son gout en matière de femme, s’est lar­ge­ment dégradé après moi !