Le samedi après-midi je vais voir ma mère. C’est le jour où elle a le plus de visites, parce qu’il y a toujours quelque chose à faire à Ville Natale, alors mes sœurs, mes nièces viennent lui faire un petit coucou.

Le plus souvent j’y vais en début d’après-midi nous buvons un café en papotant, puis je vais un tour dans Ville Natale, ensuite je reviens chez Martine. Elle me demande ce que j’ai acheté, elle est déçue si je n’ai rien acheté, et que du coup je n’ai rien à lui montrer. Parfois elle me demande de lui rapporter quelque chose du marché, mais elle ne veut pas m’accompagner. Et puis il y a les jours où je ne vais pas faire un tour parce que je n’ai pas de courses à faire, parce qu’il pleut ou tout simplement je ne suis pas en forme.

Samedi dernier je me suis fait une réflexion que je me suis déjà faite. Je venais de passer une semaine pas terrible. Rien de grave, mais beaucoup de petites tuiles. Je ne raconte pas tout à Martine. Il arrrive un moment dans la vie où on ne souhaite pas inquièter nos vieux parents avec des petits soucis.
D’autant plus que j’ai tendance à me faire du souci pour peu de choses, en particulier des choses qui ne sont pas encore arrivées !


Et puis Martine a une fâcheuse tendance à revenir vingt fois sur le sujet, à poser mille fois la même question :
” Alors comme ça la voiture de ta fille est en panne ? Mais comment elle va faire avec sa voiture en panne ? Toujours en panne ? (deux jours après) “
Dans le meilleur des cas elle attend de me revoir, dans le pire des cas elle me téléphone pour me dire qu’elle s’inquiète pour ma fille parce que sa voiture est en panne !
Inutile de dire que si j’en dis le moins possible sur mes soucis, je donne le moins d’information possible sur mes filles.

Bref comme dirait Martine, je m’égare.
Samedi dernier donc je n’ai rien dit de spécial. Nous avons papoté de tout et de rien. Je n’avais pas envie de sortir, mais Martine avait cassé son grille pain, je lui ai proposé de lui en racheter un. Je pars vers le magasin de bricolage, en évitant soigneusement les grandes artères, j’étais encore mal remise de ma mauvaise semaine.

Et puis au moment où je revenais vers chez Martine, je me suis dit que ça allait un peu mieux. Non je ne sautais pas de joie, mais je me sentais mieux. Ce n’est pas la première fois que je me fais cette réflexion.

Je suis allée voir ma mère. Je n’ai rien dit de spécial, elle n’a rien dit de spécial pour me rassurer. Elle ne m’a pas donné de conseils, je n’en ai pas vraiment besoin.

Mais je me sens mieux.

Un pouvoir magique sans doute ?

Comme quand Athéna m’appelle en promenant son chien et qu’elle me raconte sa semaine. Quand elle a un problème que je peux pas l’aider à résoudre, Popol (je vous laisse deviner qui c’est) fait traîner son dossier, lui réclame des papiers.
Je ne fais que l’écouter, mais je sais que ça lui fait du bien.
Artémis préfère écrire. Quand c’est un vrai souci, elle m’écrit : voilà je t’écris tout, tu ne me donnes pas ton avis, tu ne réponds pas et tu ne m’en reparles jamais !

Un pouvoir magique.

Mais revenons à nos moutons ou plutôt à nos mères.

Samedi je me suis inquiétée. Je devrais m’en réjouir pourtant. Je devrais me dire : tu as de la chance, tu vas voir ta mère, elle n’a rien dit de spécial et tu te sens un peu mieux !

C’est tout le contraire ! Je vous ai dit qu’il ne faut pas grand chose pour me faire du souci !
Je m’inquiète parce que je me dis que je suis trop vieille pour avoir encore besoin de ça.
Ce n’est pas normal qu’une visite à ma mère me fasse du bien, je ne suis plus une enfant, je ne suis plus une ado.

Je m’inquiète parce que je sais que Martine n’est pas éternelle.
Que va t-il se passer quand ma mère va mourir (joli titre qui me rappelle le non moins joli d’Athéna).
Vais-je m’effondrer ?
Serais-je à la dérive, perdue comme un bateau en papier au milieu de l’océan ?
Pourtant je sais m’en sortir seule avec mes états d’âme, mes hauts et mes bas.

Je me souviens d’une cousine qui venait de perdre sa mère, elle me disait : ” ces petites choses banales du quotidien, je me dis : tiens je vais en parler à maman, mais maman n’est plus là “
Je pense aussi aux paroles d’une chanson de Renaud : ” elle téléphone à sa mère qui est sa meilleure amie, paroles éphémères et tout petits soucis “.

Les mères ont-elles réellement un pouvoir magique qui fait que l’on a toujours besoin d’une mère ?

Si je pense à mon propre rôle de mère, j’avoue que cela fait plutôt plaisir.

Mais si je pense à mon rôle de fille, cela m’inquiète.