Réedition du 14 avril 2012

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Le temps a passé ma chère épouse ! Nous ne sommes plus tous jeunes !

J’ai 75 ans et mon corps me dit tous les jours que je diminue !

Assieds toi et bois un thé avec moi ! Dans une semaine nous fêterons nos 50 ans de mariage ! Comme le temps passe !

Maintenant pourtant nous nous sentons un peu seuls après une vie bien remplie ! Ton fils (enfin le nôtre pardon) est un raté alcoolique qui vivote avec des petits boulots. Il ne trouvera plus de femme. Jeune, sa belle gueule pouvait encore attirer la gent féminine, mais à 45 ans, couperosé et édenté, il faudrait avoir faim ! Mais bon, on ne le changera pas, trop tard. C’est notre fils même si il ne veut plus nous voir, car le tu le prends de haut.

Ta fille est une grenouille de bénitier, mariée à un bêta et qui se laisse mener par le bout du nez… ou par autre chose, mais j’ai de sérieux doute quant à l’appétit charnel de ta fille… enfin la nôtre pardon !
Elle règne en vraie mégère sur ses trois gamins, les pauvres ! Mais bon, tu es fâchée avec elle aussi !

L’essentiel c’est nous, n’est-ce pas ? Nous avons eu de bons moments ! Bois ton thé, il refroidit, ma chère épouse, je sais comme tu l’aimes, j’ai mis une rondelle de citron. Voilà ! Encore un peu ? La théière est encore chaude.

Je disais quoi ? Ah oui ! Nous avons eu de bons moments. Tu te souviens quand tu étais enceinte du petit ? Nous sommes allés en Suisse où mon frère avait un chalet au bord d’un lac. Nous faisions du bateau. Hélas on n’a jamais pu y retourner. Tu t’es fâchée avec sa femme pour une sombre histoire d’oignons dans la salade. Une femme charmante et gaie au demeurant. Enfin passons…

Quand nous avons emménagé ici, tu t’en souviens ? Le petit allait à l’école avec un certain Gilles. Ses parents nous invitaient souvent. Et puis tu n’as plus voulu les voir car ils n’étaient pas baptisés. Dommage ! On a même du changer le petit d’école, tu ne voulais pas qu’il parle à n’importe qui.

Au début les amis des enfants venaient à la maison. Et puis ils ne sont plus revenus. Tu étais toujours sur leur dos. Tu leur interdisais la télé, les petits beurres, les jeux de société. Et tu critiquais leurs parents et les voisins… Enfin passons…

Les enfants ont grandi, le temps a passé. Nous n’avions plus beaucoup d’amis à part tes sœurs et encore, pas toutes.  Ta sœur Edna a cessé de nous voir parce que tu as fait un scandale à son mariage en disant que la bague de ta mère te revenait de droit. Ta mère non plus d’ailleurs ne t’a plus parlé à partir de ce moment, elle n’a pas apprécié qu’on se partage ses bijoux alors qu’elle n’était pas morte. Passons… Nous sommes bien vieux, ça ne compte plus.

Finis ton thé ! Une troisième tasse ? Non moi ça va, j’ai un pavé sur l’estomac. Sûrement le hachis de ce midi que je ne digère pas.

Dans une semaine c’est notre anniversaire de mariage, il faut fêter ça ! Avec qui d’ailleurs ? Quand la petite s’est mariée, tu te souviens ? Elle nous a présenté sa belle famille. Des gens charmants ! Très ” famille ” avec une tripotée d’enfants qui couraient partout, cousins, cousines, sœurs, frères. Mais tu as pris en grippe la sœur de l’époux de ta fille. Tu t’es mal comportée au baptême de ton premier petit fils, tu ne voulais pas que la belle sœur soit sur la photo.

Passons… J’ai 75 ans mais je suis encore en forme ! Je vais à la pêche tout à l’heure. Je sais, tu n’aimes pas mes nouveaux amis, tu préfères que je fasse des mots croisés. Je les rejoins à 17 h, mais tout le monde dira que je les ai rejoints à 15 h.
Pourquoi tu dis ?

J’ai empoisonné ton thé ! Rassure toi, tu ne souffriras pas ! Un petit arrêt cardiaque ! Indétectable, je me suis renseigné tu penses bien, l’un de mes amis est médecin retraité. Le thé ? Marie-Thérèse, la voisine qui fait le ménage de temps en temps, passera à 18 h pour dire bonjour, elle lavera la théière et la tasse, préparera un deuxième thé, un vrai celui là, qu’elle boira en papotant avec toi… enfin avec ton cadavre…
Puis tu t’écrouleras et elle appellera les secours.

Vois-tu je n’ai aucune envie de fêter 50 ans de malheur avec toi ! Mais j’ai très envie de profiter encore un peu de la vie ! Ne t’agite pas ! Il est trop tard. Et je n’ai pas envie d’assister à un mauvais film ! J’ai caché le téléphone sans fil, ne te fatigue pas ! Marie-Thérèse saura où le trouver.

Rendez-vous en enfer !