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Dans ma famille les femmes sont solides… Taillées comme des armoires normandes, comme dit ma Maman, rapport aux larges épaules et au fait qu’elles prend ” tout dans le haut ” quand elle grossit !
(Petite parenthèse tout de même, physiquement, je ne ressemble pas à ma mère ni à mes sœurs ! J’étais plutôt fluette petite, et maintenant que je me suis étoffée, je n’ai rien gagné en largeur d’épaules, bizarre et moi c’est plutôt tout dans le bas Hihi !

Solides physiquement, pas le genre à se coucher pour un rhume, mais solide aussi moralement et là oui je leur ressemble. Pas le genre à s’écouter, à se plaindre… ou alors pas longtemps. Optimistes, la tête sur les épaules, les pieds sur terre…

J’y pense ! Pas tellement étonnant que mes sœurs et moi ne supportions pas nos belles mères, amorphes, apathiques, léthargiques, indolentes, hypocondriaques, shootées aux petites pilules !

Ma grand mère maternelle Jeanne était garde barrière en Normandie. Ce qui signifiait garder la barrière et aussi vendre des tickets… C’était bien avant de venir en région parisienne dans une cité de cheminots. Mon grand père maternel (qui ressemblait à un viking) travaillait sur les voies de chemin de fer.

Jeanne a eu 10 enfants. Martine ma maman, est la 7ième. Jeanne était infatigable, cuisine, jardin, devoirs des enfants, lessive (à la main mais oui), et même couture, parce qu’il fallait bien habiller ses 10 enfants…
Le tablier autour des reins courant après un enfant, en consolant un autre, elle a élevé sa tribu comme un chef, leur enseignant des valeurs solides. Très pieuse, elle trouvait même le moyen d’aider ses voisins dans la détresse, de recueillir des blessés pendant la guerre.
Elle était rarement malade, et si ça arrivait détestait les médicaments. 

Après ses enfants, elle a élevé 4 de ses nombreux petits enfants, une de ses filles vivait avec elle et travaillait. Jeanne a rechigné quand on a voulu lui offrir une machine à laver, elle pensait que le linge serait moins propre. Le lave-vaisselle il a fallu insister des années. Il n’y a que le magnétoscope qui ait trouvé grace à ses yeux, car elle demandait pour Noël les films de Fernandel et Bourvil. Même si elle lisait beaucoup, c’était au lit le soir, pas le genre de personne à rester assise longtemps.
Elle est morte à 92 ans, très entourée bien sûr.

Martine, ma maman a eu 4 enfants. Elle non plus ne tient pas en place. Elle ne sait même pas ce qu’est une chaise longue… Si elle est sur le canapé et que je lui dis ” je vais chercher les glaçons ” quand je reviens elle est en train de ranger une pile de magazines.
Elle a un emploi du temps très précis : lundi aspirateur, mardi vitres, jeudi couture.
Elle déteste être malade. Martine aussi ne lit que le soir…
Quand elle n’a pas de petits enfants à garder, elle s’ennuie… Insiste tout le temps auprès de ses filles pour qu’on lui confie nos travaux de couture ou de repassage… Bien sûr c’est surtout depuis qu’elle est en retraite…

Mes sœurs et moi sommes sûrement moins fans de ménage, mais nous avons l’excuse du travail.
Et pourtant !  Nous sommes aussi des mères solides. Mon frère a  aussi épousé une mère solide.
Oui je sais ça paraît normal, mais à voir nos belles mères, ça ne l’est pas tant que ça !

Aucune d’entre nous n’a jamais craqué même dans les pires moments de la vie. Jamais nous n’avons été incapables de nous occuper de nos enfants. Nous détestons être malades longtemps. Nous n’aimons pas geindre et nous plaindre. Nous n’aimons pas baisser les bras. Nous n’aimerions tout bêtement pas faire pitié !

Martine dit que la mère est le tronc de l’arbre.  C’est un peu vrai.
En ce moment, à cause du divorce de Servane, Martine s’inquiète du traumatisme des enfants dont le père est parti. Et je lui réponds souvent : mais regarde autour de toi, quand la mère est solide, les enfants s’en sortent bien ! Rien de pire que ma cousine (dont j’ai parlé je ne sais plus où) retournée chez ses parents, car incapable d’élever sa fille !

Seul inconvénient des mères solides ! Impossible d’accepter la moindre faiblesse ! 
Moi la première, à ma mère :
- comment ça tu vieillis ? Mais non tu n’as même pas de cheveux blancs ! Quoi tu mets tout ce temps pour ce tour à pied ? Secoue toi, tu le faisais en une heure avant !

Et mes filles ne font pas exception à la règle ! Si j’ai un coup de blues, si je fais une entorse à mon régime :
- elle est où la battante ? Bouge toi !

Les rares fois où je suis malade :
- comment ça tu ne peux pas aller m’acheter des kinder bueno, tu es encore malade, mais ça fait 2 jours ! C’est quoi une sciatique, comment ça tu ne peux pas aller au cinéma à pied ? Et ça va durer longtemps ton truc ?
Tu vas pas devenir comme Machine, hein ? Rassure moi !

Les mômes c’est ingrat ! Moi la première OK !