petite006Ils marchent un chemin de terre. Ils ont quinze ans, ils se tiennent par la main. Il n’est pas très grand, brun, frisé, un peu maigre. Elle n’est pas grande non plus, les cheveux bruns longs et raides. Elle a un peu de hanches, elle se trouve trop grosse.
Ils parlent de leurs rêves, du grand Meaulnes, qu’ils ont lu et vu au cinéma. Ils parlent de leur parents aussi, de leur famille.
C’est le printemps, l’herbe est verte, les arbres bourgeonnent.

Ils marchent sur le chemin de terre. Ils ont vingt ans. Il la tient par les épaules et elle le tient par la taille. Il est toujours un peu maigre. Elle a maigri et ses cheveux sont courts. Ils parlent de leur études, de leur projets, de prendre un studio ensemble.
C’est l’automne, l’herbe est verte foncée, les feuilles tombent.

Ils marchent sur une route de campagne. Ils ont trente ans. Le chemin de terre est trop dur avec la poussette. Il s’est élargi, il n’est plus maigre, il a les cheveux plus courts et commence à les perdre. C’est lui qui pousse la poussette. Elle est enceinte, elle marche lentement. Ses cheveux sont mi-longs et bien coiffés. Elle tient la poussette en marchant. Mais ils ne se tiennent pas tous les deux… C’est l’hiver, les arbres sont dénudés.

Ils marchent sur un chemin de terre. Le chemin est de boue séché, il a gardé des traces de roues de bicyclettes et de roues de tracteur. Ils n’ont plus d’âge. À sa gauche à lui marche une jeune fille, à sa droite à elle une autre jeune fille. Elles rient et plaisantent. Il a encore des cheveux bruns, mais plus beaucoup. Elle porte des lunettes et marche lentement. Ils ne se tiennent pas. Soudain, il lui prend la main, et lui dit ” viens on court “. Elle proteste : ” non je ne peux pas, j’ai grossi et je ne cours plus depuis longtemps “.
Il tient sa main, ça faisait longtemps. Ils se mettent à courir, les jeunes filles suivent. Elle s’aperçoit qu’elle peut encore courir, elle a des ailes, que le chemin boueux, cahoteux ne la gêne pas. Et cette impression de sécurité, de sérénité…
Parce qu’il est là, parce que sa main est chaude et protectrice…
Et que c’est le même chemin de terre que lorsqu’ils avaient quinze ans…