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Il n’y a pas que les gauchers qui ont été contrariés.!

Je suis une luronne contrarié !

Je m’en suis aperçue tardivement !

Enfance, adolescence

J’ai été une petite fille plutôt sage. Pas une enfant modèle quand même !

Grande rêveuse, à l’école, mais j’ai déjà dit ce que je pensais des jugements hâtifs de l’époque, “paresseux” étant utilisé pour tous les enfants.

Joueuse, taquine avec frères et sœurs, mais plutôt timide à l’extérieur, je ne peux pas dire que j’ai posé de problèmes à mes parents : j’étais assidue à l’école même si je n’aimais pas ça, obéissante, je ne mentais pas, et j’ai même fait mes communions sans broncher, supportant l’ennuyeux catéchisme du jeudi…

À l’adolescence, timidité en moins, un peu bridée pour les sorties vers 15, 16ans, (normal j’étais l’aînée) j’ai ensuite bénéficié d’une grande liberté. J’ai travaillé tout en restant chez mes parents.
J’avais tout ce qu’il me fallait : une paye sans les soucis de remplir de frigo, ma petite voiture, la pilule, temps béni où le sida n’existait pas.

De ce côté là non plus on ne peut pas dire que j’ai fait de grandes folies : pas mal de flirts et des amants, mais là encore en sachant raison garder !

L’alcool sans plus, comme beaucoup de gens une cuite mémorable suffit à ne plus en avoir envie, le reste cigarettes normales ou non ne m’ont jamais tentées.

Je fais partie des gens qui aiment la vie, qui aiment rire et s’amuser et n’ont pas besoin d’en rajouter pour être dans l’ambiance !

Trop sérieuse

Et pourtant quand je vois tout ça, je me dis que j’ai été trop sérieuse ! Une luronne contrariée !

Car s’amuser ne veut pas dire être excessif ou abuser de certaines chose, mais tout simplement une chose à laquelle on pense peu : se détendre !

Être détendue ! Ah quel régal.! Sans soucis !

Quand je regarde en arrière, comme je le décris dans pilier de bar j’avais toujours l’étiquette de la sérieuse, de la raisonnable.

Pourquoi : parce que j’avais des responsabilités !

Tout cela se passait alors que j’avais dépassé la vingtaine.

Tandis que mon frère et mes sœurs s’imbibaient, je gardais un œil sur eux,  Servane qui va draguer un type louche parce qu’elle a trop bu, Cédric qui cherche la bagarre ou va embrasser une fille sous le nez de son mec. Camomille qui invitait à la maison tous les mecs qu’elle croisait.

C’est vrai que j’aurais pu prendre le large, passer mes vacances ailleurs, ce qui m’arrivait. Mais je n’y pensais pas plus que ça. Parfois je me lassais de faire le chauffeur, de ramener à Trifouillis de parfaits inconnus.

Certes je le fais aujourd’hui avec les copains de mes filles, mais ce sont mes filles, j’en suis responsable, alors qu’il n’est pas normal d’être responsable de ses frères et sœurs.

Mes parents bien entendu ne me forçaient pas à le faire, mais étaient quand même diablement plus rassurés si j’étais de la partie.

Bien sur qu’il y a aussi une question de caractère : je suis du genre à m’inquiéter pour ceux que j’aime, d’autres surement ne s’en serait pas soucié.

Chose très importante aussi : les copains de mes filles ont pour moi une considération, une affection, un intérêt, dont je n’ai jamais vu le dixième ni chez mon frère, ma sœur ou leurs amis.
J’étais tout bonnement invisible, la bonne poire quoi.

Parfois bien sur je soupirais. Je me disais que j’aimerais bien qu’on m’emmène moi quelque part sans que j’ai le souci de chercher une place pour la voiture, ou de la ramener, je rêvais de sortir en n’ayant que moi à m’occuper, profiter tout bêtement.

Laurent bien sûr était parfait : il venait me chercher, me ramenait, ne m’aurait jamais laissé conduire ou faire un créneau compliqué, renonçait au scooter dans Paris pour prendre sa voiture, car je n’aimais pas le scooter. Nous sommes beaucoup sortis au ciné, au resto. Mais Laurent est un type très sérieux, capable d’être ivre avec un dé à coudre de vin. Il n’aimait pas danser, se lâcher, bref, faire des trucs rock and roll avec lui, impossible.

Puis je me suis mariée et j’ai eu mes filles. Une fois mère, on a d’autres soucis que les sorties.

Et pourtant lors des repas de famille, mon époux, mon frère, mes beaux frères, enfin presque tous les hommes sauf mon père, levaient un peu trop le coude, en tout cas assez pour ne pas être capable de reprendre la voiture.

Heureusement c’était seulement lors des repas du samedi soir, ou lors des fêtes ou mariage. Il n’empêche que j’en avais assez de devoir conduire le soir tard, même si moi j’étais fatiguée, que j’avais ” mal aux lentilles “.

J’estimais, à tort ou non, qu’une fois marié avec des enfants, on passe à autre chose, “on sait s’arrêter” comme disait Eugène qui reprochait justement aux jeunes époux mâles de ne pas savoir s’arrêter.

Enterré le rêve du mari et père protecteur, symbolisé par la corvée de chauffeur.! Sans doute était-ce du au modèle du père.! Certes Eugène avait toujours conduit, ramené sa tribu à bon port, imaginez l’angoisse si Martine avait du prendre le volant !

Je ne dis pas qu’il ne faut jamais boire, ni jamais se lâcher non plus. Mais même sans penser à ce schéma rétro de l’homme qui conduit les soirs de grande fatigue, pourquoi pas chacun son tour ?

Un soir, en rentrant de chez mon frère, qui habitait à une vingtaine de kilomètres de chez nous à l’époque, je m’arrête au feu rouge et je vois Camomille au volant de sa voiture, son mari bien entendu à la place du passager, elle rit en me disant ” les femmes au volant “… Sauf que moi je ne trouvais pas ça drôle.

Plus tard je me suis retrouvée seule, mais au moins je n’étais plus responsable que de moi-même et de mes filles ce qui est plus normal.!

Plus tard lorsque Servane a divorcé à son tour, elle m’a confié elle aussi sa lassitude de ramener après les fêtes de famille, un ado attardé qui vomissait par la vitre pendant qu’elle conduisait.

Aujourd’hui Servane a un compagnon qui sait s’arrêter.

Je m’égare.

La luronne qui dormait en moi ne pouvait guère s’exprimer.! Comment se détendre, en profiter quand tant de responsabilités pesaient sur mes petites épaules.?

Mais il est vrai que durant plusieurs années, je n’y songeais même pas, j’avais d’autres chats à fouetter, seule avec deux filles.