Le 07 mai XXXX
Laurent,
L’émotion me saisit en écrivant ce prénom si souvent prononcé, si souvent écrit. Et pourtant l’eau a coulé sous les ponts comme dit la sagesse populaire.
Si je t’écris aujourd’hui c’est parce qu’il faut dire ce que l’on ressent à la personne concernée. Il ne suffit pas de l’écrire dans son journal, d’ailleurs le journal a évolué, on “blogue” maintenant. La personne concernée après tout ce temps s’en moque probablement, mais si cela me fait du bien pourquoi devrais-je m’en priver ?
Je sais que tu me pardonneras d’avoir pris sur ton précieux temps, et je suis sûre qu’une lettre, une vraie qui arrive par la poste comme avant, te fera plaisir.
La période dont je veux te parler, tu préfères l’oublier. Raison pour laquelle je t’écris alors que j’aurais pu te parler en face. Non je n’ai peur de rien ! Faire comme si ma crise et pire mon sentiment amoureux pour toi n’avaient jamais existé était ta solution, que j’ai respectée la mort dans l’âme.
Mais le calme est revenu depuis longtemps. Il fallait sans doute attendre le moment propice pour aborder le sujet.
Mon ami, mon confident, nous nous connaissons depuis si longtemps ! Nous avons longtemps partagé, nous racontant nos vies, nous retrouvant toujours avec la même joie. Les grandes joies, les grandes peines, les changements dans nos vies, de travail, déménagements, jamais nous n’aurions laissé l’autre dans l’ignorance de ces événements. C’était comme ça. Disputes, parfois, mises au point, tout n’était pas toujours rose.
Un jour, je suis tombée amoureuse de toi. En plein divorce, rejetée par les miens. Qu’il y avait-il d’extraordinaire à cela ? Le changement extraordinaire c’est en moi qu’il a eu lieu. Tout à coup je ne pouvais plus faire le numéro de téléphone de mon ami sans avoir le cœur qui bat et les jambes qui flageolent, tout à coup j’étais troublée, inquiète, j’avais peur d’être rejetée. Tout à coup je désirais celui que j’avais toujours considéré comme un frère, donc ase*xué.
Il n’est pas dans mon tempérament de faire les choses à moitié. Le choc a été violent, brutal. Aimer c’est un raz de marée. Je pleurais et je riais à la fois. Comme il est dans ma nature de me poser des questions, je me demandais si je n’avais pas toujours été amoureuse inconsciemment, ce qui aurait sans doute expliqué l’échec de mon mariage.
Tu m’en as voulu, je gâchais notre belle amitié.
Je me trompais, j’ai relu ce que j’écrivais, quand je parlais de mon ami. Nous avons été réellement des amis durant ces années. Il y a des gens capables de brider leurs sentiments et leurs désirs ? Je les plains ! Et je n’en fais pas partie. Je suis trop passionnée pour faire semblant, et avoir peur de faire une déclaration, moi ? Ça ne tient pas la route.
C’est sûr, une amitié pareille c’est rare !
Tu ne partageais pas mes sentiments. Tu ne voulais pas que les choses changent et elles avaient changé pour moi. Mon regard avait changé.
J’ai du faire le deuil. Le deuil de mon amour impossible et le deuil de mon amitié. Oublier quelqu’un qui n’est pas indifférent, quelqu’un qui refuse de vous jeter, ce n’est pas facile. Mais l’amour est ainsi fait qu’on commence par haïr l’autre puis par se dire : c’est mieux comme ça. Il n’est pas fait pour moi.
Faire le deuil de l’amitié c’est le plus dur sans doute. Car pour la première fois je voyais tes défauts. Je ne pouvais plus t’ idéaliser ! Oh ! Je savais bien sûr que jamais je ne pourrais sombrer dans l’indifférence !
Un jour on finit par admettre qu’il n’y a pas d’ami idéal. Qu’il faut accepter les défauts de l’autre. Mon deuil n’a pas duré 10 ans heureusement. J’’avais d’autres problèmes à régler.
Me voilà soulagée par cette confession. Je pense que tu ne me répondras pas, ce n’est pas grave, si les mots font leur chemin. J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler.
De nous deux je suis la seule à prendre des nouvelles ! Mais comme je ne serais jamais indifférente, j’assume.
Un homme ne sait pas écrire, ni téléphoner, est toujours débordé c’est bien connu ! Je plaisante bien sûr, j’ai gardé mon humour intact !
À bientôt peut-être.
Ton amie…