C'était un jeudi, à la fin du mois de mai...

Ma collègue m’appelle et me dit qu’il y quelqu’un pour moi, avant de descendre je sais déjà que c’est lui.

Laurent. Je suis émue, je sais pourquoi il est là. Je lui ai écrit "un homme ne sait pas écrire, ni téléphoner"
Et il est là !

Je lui ai offert un café, il est resté longtemps.

Nous étions dans la réserve et presque tous mes collègues sont passés chercher quelque chose, alors qu’ils n’y vont pas d’habitude. Cela m'énervait.

Nous avons beaucoup parlé. J'étais troublée, et aussi gênée par le passage des collègues, j’avais envie de les tuer. J’ai parlé de mes filles, il m’a parlé de sa famille, de son boulot.

Puis il m’a demandé de le raccompagner à son scooter et il m’a parlé de ma lettre.

Il me dit que j’occulte le fait qu’il a une vie, reproche qu’il me fait souvent. Mais qu’il avait lu attentivement et qu’il comprenait tout. Mon parcours, mes reproches, mes souffrances.

Il m’a retenue longtemps dans la rue, il avait les mains sur mes bras, et j'avais une main sur sa poitrine, je riais, il riait aussi, en me secouant gentiment pour ponctuer ses paroles. Nous avions l'air d'un couple qui se dit au revoir sur le trottoir

Rien n'a changé. Ce même moment de timidité au début. Ces mêmes longues conversations, cette même difficulté à se quitter, cette même tendresse.

Quand il m’explique par A + B qu’il veut rester disponible pour sa famille, je ris je lui dis que je ne lui ai jamais demandé de penser à moi 24h sur 24.

Puis je ressens l’espace d’une seconde la même blessure que j’ai ressenti il y a longtemps… des siècles.

Une seconde.

Je vois l’avenir tellement différent aujourd’hui. Et en même temps je me dis que je ne le vois pas assez longtemps pour voir cette part de lui plus profonde, celle que je connais.

Et pourtant dès que tous les beaux discours sont finis, je sais que nous restons très attachés l’un à l’autre.

Le temps a passé depuis. Nous n'avons plus eu l'occasion de parler de ma lettre, mais il a changé, il est plus détendu. Et moi aussi, parce que je sais que je peux en parler quand je veux.

Physiquement nous avons changé aussi. Moins de barrières, plus de cuirasses, plus de gestes tendres, mais toujours loin des regards...