108352112

Quand j’étais enfant, nous allions très souvent le week-end dans la maison de campagne dont j’ai longuement parlé ici.

J’en ai gardé de très bons souvenirs, mais il faut être réaliste il y a eu bien sûr des jours ou des heures d’ennui.

Nous n’y allions pas l’hiver, de la Toussaint jusqu’en mars, la maison étant trop difficile à chauffer.

Dès que la campagne devenait froide, dès que l’été était fini, je l’aimais moins. C’était si sinistre et si triste, ces champs labourés à perte de vue, survolés par les corbeaux, ces arbres dénudés, ce froid.

Les dimanches après midi étaient souvent tristes. Après le long repas du midi, nos amis rentraient chez eux, soit parce qu’ils étaient parisiens comme nous et devaient préparer le départ, soit parce que les parents disaient : assez joué, il y a de l’école demain, rentrez faire vos devoirs.

Nos propres parents rangeaient la maison, ça sentait comme une fin de vacances, du coup on a même plus envie de profiter des dernières heures. Les jours raccourcissaient, à dix-huit heures il faisait nuit, je trouvais ça sinistre la campagne, si triste ! Comment faisaient les gens pour habiter là tout le temps ?

Nous prenions la route, le retour vers la ville, le retour vers la vraie vie. Après la boue, la pluie, la campagne triste et froide, repartir vers la vie, le confort.

J’ai toujours aimé rouler en voiture en regardant le paysage, et pendant une heure, je voyais d’autres champs labourés, d’autres villages, d’autres maisons éclairées, d’autres vies. Mais tout ça au milieu de la nuit noire, rien autour de ces maisons isolées qu’on ne pouvait quitter qu’à pied, si l’envie prenait de sortir. Qu’irait-on faire à pied, la nuit en rase campagne ?

Et je n’oublierai jamais non plus, surtout quand j’étais enfant, le retour vers la ville. Le dimanche soir, après la boue, la pluie, la campagne triste et froide, repartir vers la vie !

Le bonheur quand je retrouvais l’appartement si beau, le parquet ciré, les tapis rouges, enlever les bottes boueuses, quelle horreur ! Il ne faudrait pas qu’elles souillent les beaux tapis, elles n’ont rien à faire ici !

C’est comme si je l’avais quitté depuis des siècles ce bel appartement, et je respirais comme si je retrouvais ma vraie vie !

Après les pièces froides, les tomettes glaciales même en chaussons, la salle de bain inconfortable, le lit aux draps humides, le papier peint défraîchi, le feu de cheminée qui ne chauffe qu’un coin de la pièce, je retrouvais le confort douillet du chauffage central, l’impression de retrouver un cocon.

Mais il n’y avait pas que l’appartement, il y avait aussi la ville : les trottoirs mouillés, l’asphalte mouillé c’est moins triste que les champs labourés sous la pluie. Ici il ne fait pas nuit noire à dix-huit heures, il y a toujours de la lumière, de la vie, des réverbères, des vitrines éclairées même quand les magasins sont fermés. On peut sortir à pied sans mettre ses bottes, la vie quoi !

La campagne sans le soleil me fait toujours le même effet : je ressens une profonde tristesse.

Je me suis rappelée de tout ça ce week-end parce que j’ai beaucoup marché en forêt de Rambouillet, même si il faisait beau. Je me suis même demandé pourquoi je dis toujours que j’aurais une maison de campagne si j’en avais les moyens.

J’ai toujours été une citadine, et plus le temps passe plus je le ressens !