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Comme beau­coup d’entre nous, j’étais à un réveillon le 31 décem­bre. Un petit réveillon, 14 per­son­nes. Je con­nais­sais les hôtes, et un peu les invi­tés.

J’avais déjà pré­venu ma maman que je n’appel­le­rais pas à minuit : les réseaux sont satu­rés on le sait, je n’ai pas envie de me gâcher la soi­rée le por­ta­ble scot­ché à l’oreille.  De plus je pré­fère que mon por­ta­ble soit au chaud en sécu­rité dans mon sac. Le poser non­cha­lam­ment sur un meu­ble en toute con­fiance parce qu’on con­naît tout le monde et se le faire voler, ça s’est vu ! Je suis tou­jours ultra pru­dente dans ce genre de soi­rée ! C’est vrai qu’avant le por­ta­ble, on appe­lait déjà à minuit. Mes sœurs, mon frère et moi appe­lions tou­jours nos parents qui ne sor­taient pas. Mais ça s’arrê­tait là.

Et puis pour­quoi ce serait si urgent ? Alors qu’on sait très bien qu’on va bien­tôt se sou­hai­ter bonne année de vive voix, et envoyer 20 car­tes de voeux ?
Mes ados qui se rui­nent en sms encore je com­prends : pas le genre à écrire des car­tes de vœux…

Tout ça pour dire que ce phé­no­mène m’aga­çait déjà, mais a dépassé “les bor­nes des limi­tes” cette année.
Déjà je savais que le pas­sage à la nou­velle année ne serait pas ter­ri­ble. Je suis bébête, je sais mais moi j’aime bien le compte à rebours !

Dans ma tribu on se débrouille, soit on allume la télé juste à ce moment là, soit un écran bran­ché sur le PC affi­che les chif­fres, ou un homme qui a bien réglé sa mon­tre, donne le signal et tout le monde compte.
Ben là pas du tout. Per­sonne n’avait rien prévu, per­sonne n’avait la même heure.
Puis à un moment j’ai cru hal­lu­ci­ner : à 23 h 55, tout le monde regar­dait son por­ta­ble. Non pas pour sur­veiller l’heure mais pour être prêt à dégai­ner ! Le pre­mier à envoyer son sms à minuit pile ou a appe­ler ! La seule à ne pas avoir de por­ta­ble, je fais le tour de l’assem­blée pour leur dire que ce serait bien quand même de dire d’abord “Bonne année” à ceux qui sont dans la salle ! je le dis gen­ti­ment et j’ai un peu bu, sinon je ne le ferais pas !

Puis l’heure arrive, on se dit bonne année on ouvre le cham­pa­gne. Et ruée vers l’exté­rieur.

Je vais dehors aussi. C’est drôle ça me rap­pelle les soi­rées de jeu­nesse le samedi soir, (pour­tant les por­ta­bles n’exis­taient pas). Pas les soi­rées à 15 ans quand on a envie de faire le mur pour sor­tir, mais plu­tôt à 20 ans quand la soi­rée du samedi soir devient quasi obli­ga­toire et que cer­tains essayent de trou­ver “la bonne soi­rée”. Ça don­nait ça :
- tu es chez qui toi ? Quelle rue ? Je peux te rejoin­dre, c’est mor­tel ici !

Bien sûr lundi à minuit, le dis­cours n’est pas le même, on se dit “bonne année”. Mais tout de même ! Ça me donne une impres­sion de prise d’otage : “je suis coin­cée ici, alors je télé­phone à tou­tes mes con­nais­san­ces…”
Pire après quand les gens rac­cro­chent et échan­gent :
- tu as eu X ? Tu as des nou­vel­les de Y ?
Comme si on était tous des res­ca­pés d’un nau­frage…

Et fran­che­ment j’aurais été la maî­tresse de mai­son, je n’aurais pas appré­cié !
Je crois même que je l’aurais dit : ça ne va pas ? Vous avez envie de rejoin­dre quelqu’un ? Ou de l’ame­ner ici ? Vous pré­fé­re­riez être ailleurs ?

Le len­de­main midi repas de famille où la tribu se retrouve et cha­cun raconte son réveillon. Cédric mon frère raconte, il était invité chez des amis, un dîner.
- C’est nul tout le monde se sou­haite bonne année, puis après tout le monde part avec son por­ta­ble ! Il ont des gens plus impor­tants que ceux qui sont là à appe­ler ! Et moi qui déteste les por­ta­bles, je me retrouve comme un con !
Je lui ai dit qu’il aurait trouvé ça encore plus nul de voir à minuit moins cinq tout le monde le por­ta­ble à la main prêt à dégai­ner !

Ma sœur Camo­mille a dit : moi je trouve ça nul, mais je le fais aussi. Pas trop sur­pre­nant d’ailleurs si vous avez bien suivi, Camo­mille c’est la sur­boo­kée, la jamais dis­po­ni­ble…

C’est décidé l’an pro­chain j’orga­nise un réveillon sans por­ta­ble, je verse un pot de vin à France tele­com pour que le réseau soit blo­qué juste chez moi, j’affi­che une pan­carte à l’entrée :

Si vous avez l’inten­tion de pas­ser la soi­rée pendu au télé­phone, c’est que vous vous ennuyez ici et que vous avez des gens plus impor­tant ailleurs… Dans ce cas, pas­sez votre che­min !

Deuxième pan­carte : Je vous rap­pelle que  vos por­ta­bles fonc­tion­ne­ront aussi demain et les jours sui­vants…

Je vous rap­pelle que la poste n’a pas fait faillite et se charge des car­tes de vœux

Com­ment ça per­sonne ne vien­dra à mon réveillon ? Vous croyez ?