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Le jour J, Ludmilla est un peu stressée. Elle trouve ça aussi un peu étrange de recevoir un seul couple, elle serait sans doute plus à l’aise avec plus de convives.
Sans doute a t-elle peur d’être ennuyée, ou est-elle gênée que l’on vienne “pour elle seule” !

Issue d’une grande famille, elle avait l’habitude des grandes tablées où chacun joue son rôle. Le maître de maison sert le vin et l’apéritif, la maîtresse de maison, les plats. La jeune fille de la maison se lève pour présenter les biscuits apéritifs, les garçons servent le café et les digestifs.

Et bien entendu tout ce petit monde fait la conversation !

Là elle se sent un peu gênée comme si elle recevait des notables âgés avec qui il ne faudrait surtout pas faire de faux pas !

Depuis son emménagement, elle a reçu des copines pour une soirée pizza, et ses parents forcément indulgents !

Elle est nerveuse, regarde sa montre, rectifie son maquillage ou arrange une fleur dans un vase. Elle sait que dès qu’ils seront là, tout ira bien et elle oubliera sa nervosité !
En attendant elle se sert un martini, histoire de se désinhiber un peu !

Elle entend ses invités arriver. Carola parle bruyamment dans l’escalier. Elle est la première à se présenter à la porte, elle s’écrie en tapant sur le bras de son hôtesse :

- Voilà notre Ludmilla !

Comme si elles se connaissaient depuis toujours ! Encore une fois Ludmilla est surprise !

Puis ils s’installent pour l’apéritif. La conversation tourne autour des prix des appartements. Puis le dîner commence et à chaque plat, Enguerran se lève pour suivre Ludmilla à la cuisine, l’aider à débarrasser ou porter un plat. Ludmilla est contente, ça lui fait plaisir. Elle se rend compte qu’ils se sont beaucoup rapprochés. Mais parfois elle refuse son aide en lui disant : non on ne va pas laisser Carola seule à table !

Plusieurs fois Carola fait allusion à son séjour chez son frère. À chaque fois, Ludmilla sent que Enguerran est un peu nerveux, comme si il craignait que Ludmilla ne fasse une gaffe, ne dise innocemment :  oui la période où on a déjeuné ensemble tous les jours, Enguerran et moi !

Non bien sûr elle ne dira rien !

Le premier déjeuner avait été très agréable. Ils n’avaient pas vu le temps passer, ils avaient tellement de choses à se dire ! Enguerran avait suggéré d’inviter Ludmilla le lendemain à déjeuner chez lui, puis il s’était ravisé :

- Non ce n’est pas une bonne idée ! Ma voisine est une commère et elle s’empresserait d’en parler à ma femme ! Même si c’est en tout bien, tout honneur, je ne veux pas nuire à votre réputation… Ni à la mienne d’ailleurs ! Dans notre métier, il vaut mieux que nous restions irréprochables !

C’est ainsi qu’ils avaient déjeuné tous les jours au restaurant, jusqu’au vendredi midi. Ils se sont tutoyés tout naturellement. Parfois Ludmilla rêvait d’être dans les bras de son patron, parfois elle se disait qu’il était un véritable ami, fiable, sincère, intelligent, solide, et que c’était déjà énorme et précieux !

Lorsque le dîner chez elle se termina, elle en fut presque soulagée : elle se disait qu’il devenait impossible de cacher leur complicité, elle n’était pas à l’aise dans ce trio, elle n’avait plus envie de voir Enguerran en couple, elle le préférait en tête à tête. Elle était gênée, coupable vis à vis de Carola et ne comprenait pas comment cette dernière pouvait être aussi tolérante… ou aveugle.