158880211

L’été approche. L’étude doit fermer en août, et Ludmilla n’a pas pris de vacances depuis qu’elle avait commencé à travailler chez Maître Chevallier.
Ludmilla sait que Enguerran veut s’associer à un autre notaire, afin d’assurer une permanence et également engager une secrétaire pour que les tâches de secrétariat n’incombe plus à son clerc de notaire.

Il lui a demandé où elle habitait, et Ludmilla lui a dit qu’elle habitait un petit appartement dans un quartier qui lui plaisait. Enguerran lui a suggéré d’acheter, il ne compte pas la licencier, donc son avenir était assuré. Comme ils parlaient des prix des logements et des quartiers, Ludmilla proposa d’inviter à dîner Enguerran et son épouse.

Elle avait gardé un bon souvenir de la soirée chez eux. Le décor n’était pas vraiment celui auquel elle s’attendait, mais rien n’était vraiment laid dans le mobilier. Elle avait sans problèmes repéré la commode qui lui semblait correspondre aux goûts d’Enguerran. Quand à son opinion sur Carola, elle restait encore un peu floue. Il était évident que cette femme ne vivait que pour son foyer, ses enfants, ses chats et son jardin, mais une seule rencontre ne suffisait pas à se faire une opinion. Après tout Carola était peut-être réservée, encore sur son quant à soi, elle n’avait peut-être pas envie d’aborder certain sujets avec Ludmilla. Si ça se trouve elle lisait beaucoup ou avait une passion, comment savoir ? Les conversations avec son mari ne pouvaient pas se limiter aux problèmes des enfants, et aux  factures EDF.

Mais en réalité ce qui l’avait le plus intéressée dans ce dîner, c’était ses échanges avec Enguerran. Pouvoir enfin se parler en prenant le temps, la fin de soirée quand il s’était confié.
Elle en  avait été parfois gênée. Elle ne comprenait pas que Carola ne s’en offusque pas, elle ne comprenait pas que Enguerran fasse si peu de cas de son épouse. Souvent comme si elle se sentait coupable, elle se débrouillait pour parler à Carola, lui poser une question, la ” ramener ” dans la conversation.

Oui, vraiment elle ne comprends pas ! N’importe quelle femme sensée aurait été jalouse, vigilante, méfiante, et même si elle ne devait pas le montrer le soir même, aurait eu une explication avec son mari après !

Ludmilla se demande même si elle n’allait pas être mise sur la touche, plus jamais invitée, et elle l’aurait parfaitement compris !

Un lundi soir Ludmilla, au moment où elle rejoint sa voiture pour partir, croise Carola. Carola la salue, la remercie pour l’invitation à venir en juin. Puis elle lui dit :

- Les enfants sont malades, ils ne vont pas aller à l’école cette semaine. Je vais aller quelques jours chez mon frère à la campagne, il a acheté une ferme, celle des Legrand, vous savez… Oh ! Regardez le chat sur le mur, trop rigolo !

Ludmilla reste muette. D’abord elle ne connaît ni le frère, ni les Legrand et Carola en parle comme si c’était évident. Ensuite elle sursaute presque en l’entendant sauter du coq à l’âne, ou plutôt du frère au chat !

Ludmilla ne se serait pas arrêtée au milieu d’une phrase parce qu’un chat grimpe sur un muret ! Elle n’a jamais été spécialement attirée par les animaux, et quand bien même, elle n’a jamais compris qu’on puisse bêtifier ainsi : oh le chien-chien, trop mignon, le toutou ! Comme ces gens qui vous invitent et vous parle un quart d’heure de leur chien ou de leur chat, sans se demander si ça vous intéresse !

- Il a réussi à monter ! Il marche dessus ! Hihi ! En voilà un autre, comment ils vont faire !

Ludmilla ne dit pas un mot. Elle se demande ce qu’elle fait là, après tout Carola pourrait bien rester seule plantée dans la rue à admirer les félins et à parler toute seule !

Alors qu’elle s’apprête à prendre congé, c’est Carola, qui s’éloigne :

- Bon ben, faut que je fasse les sacs pour les enfants, et le repas ! À bientôt, donc !
Au revoir les chats  ! ajoute t-elle en leur faisant un signe de la main.

Cette fois Ludmilla se demande si elle n’a pas affaire à une demeurée ! Comment Enguerran peut-il supporter ça ?

Le mardi matin, Enguerran lui dit en prenant le café que sa femme est partie quelque jours avec les enfants. En général le midi, il rentre manger chez lui, et Ludmilla va se chercher un sandwich, ou va manger une salade dans un petit bistrot.

Enguerran lui dit : ça vous dirait pour changer un peu, que je vous emmène déjeuner dans un restaurant de la ville d’à côté ?
Notre premier rendez-vous de l’après midi n’est pas avant 15 h, ça laisse un peu de marge !

- Oui, bien sûr avec plaisir” dit Ludmilla, ravie.