10129086

Ludmilla est très nerveuse le lundi matin.

Elle arrive à l’étude avant son patron. Elle s’installe et prépare le café. Il n’y a pas de rendez vous prévu avant 10 h 30, elle se dit qu’ils auront le temps de parler, et en même temps elle redoute vraiment cet instant !

C’est si différent, là dans le décor du travail, le “sérieux” le quotidien. Enguerran l’intimide quand elle y pense, plus encore que la première fois où elle l’a vu ! Elle se demande comment elle va se sentir face à lui, après ce moment d’intimité, une fois que l’alcool ne peut plus servir ni d’excuse, ni de désinhibant !

Mais peut-être est il aussi gêné qu’elle ?

Cependant elle n’a pas vraiment peur. Ils sont attirés l’un par l’autre, ils ont même sûrement des sentiments. Ce qui aurait du arriver  il y a longtemps vient d’arriver ! Elle n’a pas oublié tous les mots doux qu’Enguerran lui a chuchoté à l’oreille ! Donc il est temps d’en parler sérieusement !

Enguerran arrive enfin. Il a le même sourire que d’habitude. Il enlève sa veste et vient vers Ludmilla.

- Ça fait drôle de reprendre le travail !

Puis tandis qu’elle lui sert un café, il lui demande si elle est bien rentrée hier. Elle répond par l’affirmative. Il parle de choses et d’autres, des derniers invités qui sont partis, du rangement de la maison, de ses beaux parents. Elle sent bien qu’il recule le moment où il va falloir aborder LE sujet. Elle ne fait rien pour l’aider, elle ne rebondit pas sur ce qu’il dit, aucune envie de se lancer dans une conversation banale !

Enfin Enguerran passe au vrai sujet. C’est plutôt une succession de phrases interrompues…

- Pour hier c’était… Enfin je… Je suis gêné…. J’avais bu… Je suis plutôt timide d’habitude… Enfin timide pour ça. C’était… Enfin c’était très bien… très bon… Un peu court…. Je veux dire. Il ne s’est pas passé grand chose…

Elle sourit devant tant d’embarras.

- Ne t’excuse pas !

- Non… Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je… Je me souviens pas de tout. Je suis très attiré par toi. Mais voilà, je ne veux pas détruire… Enfin tu me comprends. Il ne s’est pas passé grand chose. On avait bu tous les deux.

Ludmilla n’en croit pas ses oreilles ! Il ne s’est pas passé grand chose ! Elle se demande ce qu’en penserait sa femme ! Elle s’attendait à tout sauf à ça ! Le déni, le mensonge. Il ne s’est rien passé, nous avions bu !

Et tout ce qu’il lui a dit, c’était quoi ? L’alcool ! Parlons en justement ! L’alcool désinhibe, il ne fait pas jouer un rôle ! Et quel culot de dire qu’elle aussi avait bu ! Bien sûr elle avait bu un peu, mais elle savait parfaitement ce qu’elle faisait !

Ludmilla ne sait pas quoi dire, mais elle doit intervenir :

- Hé bien… Comme tu voudras… Je suppose que j’ai compris ce que veut dire ” je ne veux pas détruire” pourtant je suis sûre que tu étais sincère, que tu pensais tous les mots que tu m’as dit !

- Je…  Oui je suis un homme sincère, mais je ne me souviens plus trop ! Qu’est ce que j’ai dit ? 

Elle ne se sent pas le courage de répéter les mots tendres. Elle baisse la tête : rien tu m’as dit que je te plaisais !

Il sourit et pose la main sur son épaule : oui c’est vrai tu me plais !

Ben il ne manquerait plus qu’il lui dise le contraire !

Elle a envie de fuir, pire de rentrer chez elle ! Cet homme nie la réalité, pire il nie ses sentiments ! Ça fait combien de temps qu’ils se tournent autour, tous les deux ?
Au moins un an ! Et maintenant qu’ils passent enfin à l’acte il n’assume pas !

- Je ne sais pas quoi te dire Ludmilla, tu comprends… Une fois de temps de temps, ça ne m’intéresse pas !

Elle ne sait pas quoi dire. Ce n’est pas ce qu’elle envisageait non plus ! Elle envisageait quoi au juste ? Difficile à dire ! Elle ne pensait pas vraiment à l’avenir ! La seule chose qu’elle avait pensé c’est Hourrah, enfin, ça y est ! Allelluiah, Yes ! Il s’est enfin jeté à l’eau !

Elle n’a aucune envie de répondre à ça ! Le voilà en train de parler d’histoire de fesses, alors qu’il n’en a jamais été question entre eux !

- Euh… Moi non plus je ne suis pas comme ça. Mais allons travailler.

Elle quitte la pièce. Il sent bien qu’il l’a blessé, qu’il a été maladroit, pire le roi des imbéciles !

Quand à Ludmilla, elle est beaucoup plus en colère que déçue. Furieuse, même ! Contre Enguerran mais aussi contre elle même  ! Elle aurait du avoir le courage de le mettre face à ses contradictions ! Lui dire menteur, tu mens, je ne te crois pas ! Tu me mens et tu te mens à toi-même ! 

Mais sans doute qu’elle manque de confiance en elle ! Dire à un homme je sais que vous m’aimez, pas si simple !