Je voulais raconter l’histoire d’Alexis le petit prince. Mais il est impossible de la raconter sans parler aussi de ma meilleure amie de l’époque… Elle n’apparaîtra pas dans le titre, mais il y aura deux histoires en une.

colline_automne_by_louisianneDurant les dernières années de mon mariage j’avais changé de poste, et j’arrivais ainsi dans un nouveau service où je fis la connaissance de celle qui allait être ma meilleure amie plusieurs années. Elle portait, comme prénom, mon nom de jeune fille : Nathanaëlle. J’y voyais là un signe.

Elle a été ma dernière meilleure amie, et même si grâce à elle j’ai appris beaucoup de choses, (comme me méfier des amitiés de bureau, et me méfier aussi de certain travers), il n’en reste pas moins que je reconnais avoir eu la chance de travailler tous les jours avec une amie, durant ces années où tout allait mal dans ma vie. Nos confidences, son regard, son avis, tout cela m’a beaucoup aidée.

J’étais dans ces années où j’évoluais encore beaucoup où je me cherchais encore beaucoup. Un mélange d’adulte et d’adolescente attardée (sans doute cette nouvelle catégorie des adulescents… qui n’a rien à voir avec des ados attardés d’après les sociologues !)
À la fois à l’aise dans mon rôle d’épouse et de mère, mais gardant une certaine frustration de mes années de jeunesse. Sans doute que mon mari avait laissées vacantes une part de ma capacité amoureuse et intacts mes rêves de jeune fille (jolie phrase un peu modifiée qui m’a marquée à l’époque, et qui est de Benoîte Groult).
Et si j’explique tout ça, c’est aussi pour expliquer cette amitié, parce que les choses changent : aujourd’hui même si je trouvais la meilleure des amies, je ne parlerais plus de tout ça…

Nathanaëlle avait que deux ans de plus que moi, deux enfants. Nous en sommes venues très vite aux confidences, (et pourtant j’ai mis très longtemps à lui dire que je n’étais pas heureuse dans mon couple). De  quoi parlions nous ? Et bien de ce tout ça justement : les sentiments, nos anciennes histoires d’amour, nos petits copains, notre jeunesse. Bien sûr nous parlions aussi de nos enfants, du travail. Mais tout ça n’en restait pas moins l’essentiel de nos conversations.  Probablement qu’elle aussi, malgré les apparences, était une adulescente (le mot n’existait pas). 

Je lui parlais beaucoup de Laurent. Elle se disait souvent étonnée de cette relation. Je me souviens d’un jour où je lui avais dit que Laurent m’avait appelé de Moscou pour mon anniversaire. Elle m’avait dit qu’il devait m’aimer plus qu’il n’aimait sa propre femme. Nathanaëlle était mariée avec un garçon qu’elle avait connu très jeune (16 ans). Ses souvenirs de jeunesse ressemblaient aux miens, et elle avait vécu une longue histoire d’amitié avec ce garçon, (enfin elle avait trouvé ça trop long), avant qu’ils ne soient vraiment ensemble.

Son histoire tombait donc à pic pour Louisianne qui s’interrogeait sur son mariage et sa relation avec Laurent.
Ce moment de ma vie où je me demandais si je n’étais pas passée à côté de quelque chose, si l’histoire d’amitié avec Laurent n’aurait pas du, à un moment ou à un autre se transformer…

Ce qui m’aidait aussi, c’est que Nathanaëlle était heureuse en couple. Or jusque là je n’avais pas eu d’amie heureuse de son choix. Ça peut paraître bizarre mais c’est ainsi : Roselyne n’était pas heureuse en couple, (s’était elle vraiment mariée par amour ?), Serena ne nageait pas dans le bonheur. Reste ma soeur Camomille qui est heureuse de son choix encore aujourd’hui, sauf que son couple ne m’a jamais fait baver d’envie !
Alors à cette période cela m’a aidée…

Pourtant Nathanaëlle et moi étions très différente. Elle était très extravertie, très mondaine, incapable de se débarrasser des bavards. Pleine d’humour, d’un abord facile, elle était très avide de confidences. Beaucoup de collègues venaient comme au confessionnal raconter leur malheurs. Elle déjeunait deux, trois fois avec, puis ensuite ils se montraient déçus et frustrés d’avoir été si vite oubliés. Nathanaëlle se nourrissait des confidences des autres, mais ne leur apportait rien, sinon une oreille attentive durant un temps limité. Tout cela je ne l’ai su que beaucoup plus tard. C’était (c’est toujours probablement) une belle femme, et comme nous faisions un métier en relation avec le public, elle attirait pas mal de soupirants souvent collants, dont elle ne savait pas se défaire.

J’avais bien sûr un peu de mal à supporter ces satellites autour d’elle, mais je m’en accommodais en déjeunant avec elle ailleurs qu’à la cantine.  Il lui restait peu de temps pour travailler, mais elle savait faire illusion auprès des chefs, et comme je l’ai dit c’était une belle femme.

De plus elle n’était pas seule dans l’équipe. En dehors de nous deux, il y avait un homme de notre âge Fred, et une femme en âge d’être ma mère, Annette.  Nous étions tous très proches, une ambiance presque familiale que je n’ai jamais retrouvé ensuite.

Nathanaëlle a donc été ma confidente. Elle a tout su de mon divorce, de mes souffrances, de ma relation avec Laurent. C’était l’été, le premier que je passais sans mon mari. Mes filles étaient dans la maison du Sud avec mes parents. J’étais blessée, triste, mais pourtant pleine d’espoir.

Et c’est dans ce contexte que j’ai rencontré Alexis le petit prince. Le préambule était long, mais nous y voilà !