Ces moments là sont délicieux. Bien sûr on en a conscience quand on est jeune, mais pas tant que ça.
Une fille, un garçon, allongés dans l'herbe, le soleil, les vêtements qui deviennent encombrants.
Et pourtant à un moment le temps s'arrête. Le moment où nous sommes tous les deux torse nu et où il semble hésiter à aller plus loin. Il me regarde et s'assoit, pensif.
- qu'est ce que tu as ?
- en fait je...
Je comprends soudain. Comment n'y avais je pas pensé avant !
C'est la première fois !
Jérôme se met à fumer histoire de se donner une contenance.
Le premier, on s'en souvient, mais pas toujours, on le choisit bien mais pas toujours.
Je le voulais unique et inoubliable le premier, un soir d'été dans les collines. C'était un amour d'été et si le souvenir n'était peut être pas inoubliable, au moins la situation était telle que je l'avais rêvée. Ce n'était pas pour faire comme les copines, pas parce que le moment était venu, c'était parce que c'était lui, parce que c'était moi, que j'en avais envie, et que je croyais l'aimer....
Mais être la première d'un garçon, c'était un rêve que j'avais souvent caressé. À tort sûrement j'en avais conscience. Tous les garçons ne sont pas des sentimentaux, des poètes, tous n'ont pas un souvenir impérissable de leur première fois, il y a ceux qui m'ont raconté qu'ils étaient bourrés et que c'était une fille facile entre deux poubelles derrière chez les parents.
Cela dit il s'en souviennent quand même !
Alors être inoubliable, j'en rêvais !
Je l'ai rassuré :
- c'est bon on est pas obligé de passer à la vitesse supérieure aujourd'hui, d'ailleurs tu fais encore des bêtises avec l'embrayage de ma voiture, on va reprendre la leçon de conduite. Tu n'as rien à craindre, je serai un ange, je ne me moquerai pas de toi, et je n'en parlerai pas.
Il rit et accepte de reprendre la voiture, après avoir récupéré nos vêtements.
Je ne voulais pas que le moment soit programmé comme une obligation. Je voulais que ça vienne tout seul.
Et puis contrairement à ce qu'il aurait pu croire, j'étais intimidée moi aussi.
Je l'avais trop admiré de loin.
