immeuble

Quelques semaines passent. Aucune nouvelles de l’agence Tournelépouce, et quelques courriers de l’agence Signissimévite.

Je fais les diagnostics obligatoires pour la vente, très chers d’ailleurs. M.Signissimévite apprend que la surface n’est pas celle annoncée. 2 m² de moins. Il veut absolument me faire baisser le prix pour lequel j’ai signé au départ. Je refuse. Je lui explique que les autres agences m’ont proposé le même prix. Je lui dis qu’il a vu le studio, les acheteurs aussi, je ne vois pas où est l’arnaque, ce n’est pas comme si il faisait 10 m² de moins que prévu !
Quand à Tournelépouce qui affiche un prix bien trop élevé, malgré ma proposition de baisser, refuse et décide de laisser comme ça ! L’idéal pour voir les clients partir ailleurs !

Et puis quelques jours avant Noël, M.Signissimévite, de l’agence Signissimévite me téléphone et me dit qu’il a une bonne nouvelle pour moi, et me demande si je peux passer à l’agence le soir même. Ça ne me dérange pas plus que ça.

J’arrive donc assez tard à l’agence, 19 h, les employés sont partis. Il ne reste que la patronne qui me salue, et s’assoit à son bureau derrière moi. M. Signissimévite me fait asseoir tout au fond de l’agence, face à lui.

Ce soir là j’étais fatiguée. Je pense que si j’avais été en forme, j’aurais réagi autrement. Hélas on est pas toujours égal à soi même, surtout dans les moments où on aurait besoin de toute notre énergie et de tous nos moyens.

M. Signissimévite commence à me faire tout un discours bien trop long sur la conjoncture, la crise etc.

Crise ou pas, j’ai remarqué, et je ne suis pas la seule; que dans l’immobilier tu as toujours tout faux : tu vends ce n’est pas le moment de vendre, tu achètes ce n’est pas le moment d’acheter ! Alors là c’est sûr la crise a bon dos, les arguments sont tout trouvés !

Bien sur il me ressort le coup de la surface, ah quelle catastrophe cette surface ! Je lui fais remarquer que si les gens cherchent un 100 m², je ne vois pas pourquoi ils s’intéressent à mon studio !

Ce discours me parait bien trop long ! Pour couronner le tout, il prend une feuille blanche sur laquelle il inscrit des chiffres, la surface, etc…

Il me rappelle des démonstratrices en aspirateur que mon mari avait naïvement laissé entrer au début de son installation chez moi. N’étant pas parisien il ne connaissait pas les “marchands de tapis à domicile”.
Ces filles prétextant “une étude de marché” finissaient par faire de savants calculs sur une feuille blanche, pour nous prouver par A + B que nous faisions une affaire !

- pour vous ce soir, M. et Mme X, cet aspirateur au prix de X francs !

J’avais dénoncé le piège, comme j’ai appris à le faire dans les stages de communication :

- je croyais que c’était une étude de marché pour un produit non commercialisé et là vous nous vendez !

Sans compter que des chiffres sortis de nulle part alignés sur une feuille blanche, ça ne m’inspire pas du tout confiance !

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à l’agence Signissimévite !

Le marchand de tapis, je le voyais venir ! Tant de préambules ça cachait quelque chose ! Et oui voilà qui m’annonce un prix qui me fait écarquiller les yeux !

Une offre vraiment bradée, pas moins de 30 000  euros de moins que le prix affiché !

Je ne réponds pas.
Le marchand de tapis continue : pour vous ce soir Mme Granderêveuse, la somme de XXX !

On dirait presque qu’il me fait cadeau de mon propre argent, je rêve !

Puis je commence à dire “je vais réfléchir”.
Et je répète à chaque fois, je vais réfléchir. La technique du disque rayé.

Je compte appeler Cédric en sortant, il a décidé de m’aider dans mes démarches, et j’ai suivi son conseil, à savoir que rien ne presse, et rien ne m’oblige à dire oui à une offre tout de suite.

Mais M. Signissimévite n’est pas décidé à me laisser partir :

- les acheteurs sont des investisseurs, ils n’ont pas besoin de crédit ! C’est maintenant ou jamais ! Après c’est Noël on ne trouvera pas d’autres propositions comme celles là ! Il y a des travaux à faire, et votre appartement a sa surface… dit sur un ton insistant...  On peut continuer les visites mais ça ne changera rien !

Vous pouvez aussi mettre la clé sous la porte si vous ne voulez pas continuer les visites !

- je vais réfléchir.

La patronne voyant mes hésitations, s’en mêle, vient se placer à côté de moi :

- mais qu’est ce qui vous gêne dans cette offre ? Vous voulez en parler à quelqu’un, vous allez appeler qui ? Votre notaire !

J’ai la sensation d’être piégée au fond d’une agence immobilière sombre un soir d’hiver. Plus ils me mettent la pression plus je me sens mal. Et je ne supporte pas qu’on me mette la pression, c’est l’idéal pour me braquer. Comme je suis fatiguée, je ne réagis pas comme je l’aurais du.
En temps normal, je serais partie illico, après un coup de gueule.

Mais peu importe que je ne sois pas au mieux de ma forme, car je suis quand même forte comme un turc ! La preuve je ne réponds à aucune de leurs questions : qui je vais appeler, pourquoi j’hésite, ça ne les regarde pas !

Je continue le disque rayé : je vais réfléchir.

M. Signissimévite me dit X euros c’est déjà beaucoup, je ne sais pas quels sont vos projets derrière…

Compte sur moi pour te le dire !

Ensuite ils partent dans des éloges sur le difficile métier d’agent immobilier, sur les gens qui n’achètent plus en banlieue, mais seulement à Paris, tous les arguments y passent !

Voyons qu’il n’y a rien à faire, la patronne me tapote l’épaule : mais elle va réfléchir Madame Granderêveuse !

C’est la goutte d’eau ! La familiarité… me prendre pour une idiote, non trop c’est trop !

Je me lève, bonsoir monsieur, bonsoir madame.

Une fois dehors, une fois dans ma voiture, je pousse un profond soupir de soulagement ! Libre !

J’appelle Cédric qui n’en revient pas : “j’aurais du venir avec toi”

- non c’est bon !  De toutes façons je n’aurais jamais signé !

Puis ensuite il me dit de mettre mon studio dans une autre agence, entre Tournelépouce qui ne fait rien, et Signissimévite, je suis mal partie !

Les ennuis sont finis, vous croyez  ? Pas du tout ils commencent !