La photo fait elle partie du rêve ? Certainement !
J'ai commencé à écrire mon journal à 13 ans. À l'époque j'écrivais tous les jours ! Résultat deux étagères de gros cahiers que je ne sais pas où stocker ! Bien sûr comme toute ado qui se respecte, j'y racontais mes états d'âme, mais pas seulement : si j'écrivais tous les jours, c'était parce que je ne voulais pas oublier. Je notais une phrase dite par mon grand-père, le plus petit ou le plus gros événement ! Pas la peine de me dire "puisque je te dis que c'était en 1970", non pas à moi, j'ai la preuve, et d'ailleurs j'en ai à peine besoin de preuve, j'ai une mémoire d'éléphant !
La photo c'est la même chose. Pour ne pas oublier. J'avais 10 ans quand j'ai eu mon premier kodak instamatic. Puis 13 ans quand mon père m'a donné son vieux kodak, (un 24 X 36 ce qui change tout) à soufflet, avec des filtres et sa sacoche en cuir marron. Je l'ai encore, j'en pleurerais quand je le vois ! Mon père n'avait jamais été très doué pour la photo, quelques diapos brûlées (à l'époque la couleur n'existait qu'en diapo) des corps à la tête coupée, ou des clichés en noir et blanc de gens inclinés (ça il faut le faire, pourtant mon papa ne buvait pas) ou alors des pieds ! Le plus drôle c'est la communion de mon frère, devant l'église tous les communiants posaient, et mon père prit dix photos d'un autre que son fils !
Donc je pris rapidement la relève de la "mémoire familiale". Pas seulement pour "bombarder" comme disait ma mère, (ça vient d'où cette expression bizarre, la photo n'est pas la guerre) mais aussi pour le classement le tri. J'aimais les diapos, je rangeais et triait celles de mon père dans des paniers prêts à la projection, quand aux photos classiques, elles étaient dans des albums datés, et personne ne touchaient aux photos tant qu'elles n'étaient pas "en sûreté" à l'abri des traces de doigt. Même chose pour les précieux négatifs dans des classeurs.
Bien sûr je me suis essayée aux fleurs sur fond flou artistique. J'ai fait poser mes soeurs devant tous les décors. Mais j'aimais garder l'instant. C'est à moi que l'on demande la photo de l'oncle Hector mort depuis longtemps, ou si par hasard je n'ai pas gardé une photo de tel événement. À l'époque il y avait beaucoup de photos ratées, et beaucoup de regrets quand une pellicule revenait du labo avec 5 photos réussies !
On peut être une grande rêveuse et aimer la technique. J'ai lu tout ce qu'il y avait à lire pour comprendre diaphragme et profondeur de champ. Je me suis toujours intéressée au progrès et pas seulement pour la photo. Et si j'avais été plus riche, j'aurais eu tous les appareils photos possibles et imaginables. J'ai eu mon premier reflex plus tard, un Zenit avec les objectif à vis. Je devais avoir 18 ans, je copiais Hamilton, le Zenit était parfait pour les fonds flous. Mais finalement la technique, même si je m'y intéressais, ce n'était pas le plus important. La technique c'est bien quand on prend le temps, quand on a un but bien précis. Je lisais les magazines photos, j'essayais des choses. Mais les autofocus ont changé ma vie !
J'avais vingt ans quand j'ai acheté mon premier compact canon autofocus. J'avais tout de même un réflex, mais pas pour le même usage.
L'autofocus c'était le rêve, plus aucune photo ratée, je suis devenue "presse bouton" comme disaient les vrais amateurs de photos, ceux qui critiquaient le fait que l'on ait plus rien à faire ! Plus rien à faire si on veut, il faut tout de même avoir l'oeil, l'idée.
Je me souviens d'un jour d'été, en vacances dans le Sud, où mon père avait voulu brûler un tas d'herbe. Quelle drôle d'idée, mais à l'époque on parlait moins de prévention qu'aujourd'hui ! En moins de 3 minutes le champ prenait feu ! Après avoir appelé les pompiers, de chez les voisins, nous n'avions pas de téléphone, mon père essayait d'éteindre avec un tuyau d'arrosage trop court, et nous faisait remplir des seaux. Cela ne servait à rien car il n'y avait pas de pression, et le feu se propageait vite. Du coup je pris mon appareil photo malgré les cris de ma mère "mais tu ne peux pas aider, non". Mais maintenant que de rires quand on regarde le diaporama, mon père et son tuyau et l'arrivée des pompiers !
D'autres photos mémorables, comme une panne de voiture sur la route de vacances, mon copain de l'époque, une jerrican à la main remettant de l'eau dans un radiateur. Mon frère disait que j'aurais du être journaliste ! Ce qui est faux, il est rare que je prenne des photos d'inconnus !
Ces photos sont aussi plus sympas à regarder que la tradionelle tablée avec restes de gateau et bouteilles vides !
Bien sûr cela peut avoir des inconvénients : dans un mariage je me suis retrouvée sans le vouloir photographe officiel. Beaucoup moins agréable de photographier quand on se sait "obligée", qu'on a peur du résultat, de plus on ne profite plus de grand chose !
Le temps a passé, j'ai pris moins de photos. Les albums prenaient trop de place, organiser des diaporamas devenait compliqué aussi.
Le numérique a changé la donne. Changer en bien ! Quelle fortune j'ai dépensé avant l'ère du numérique pour les photos de mes filles ! Maintenant elles sont ravies, d'autant plus que la photo numérique se consomme tout de suite : c'est pour leurs blogs, avatar, PC qu'elles veulent des photos pas pour développer ! Avec le numérique, on a droit à l'erreur, on efface la photo. Mes petites nièces ne connaissent pas leur chance, ma nièce de trois ans : "fais voir ma tête, vite !". Par contre par certains côté le numérique fait régresser : c'est quoi ce rouge orangé qui fait mal aux yeux, il n'est pas comme ça en vrai ! Quand au flash qui se recharge si lentement, Grrrr ! Où est mon reflex ?
De mon côté au début, j'ai voulu faire comme avant : développer les photos. Parce que c'est moins cher, j'attendais d'en avoir 300. Mais d'une part voir sur papier une photo que l'on a déjà vue, quel intérêt, il n'y a plus de surprise ! D'autre part, ranger 300 photos dans un album, ben, elles attendent encore ! Du coup je me suis promis de faire de supers diaporamas sons et lumière que je graverais sur des CD... quand je serais retraitée peut-être ?
Finalement le web remplace l'album photo ! Dans ma tribu on apprécie mon blog de photos de famille, car le lendemain d'une fête, on se retrouve en ligne ! Bien sûr j'ai toujours un peu peur que le blog disparaisse un jour dans un cyber espace ! Un blog c'est du boulot, du tri, du texte, même si on a la photo d'origine au chaud (sur un disque dur externe, sur des CD aussi ! On ne se refait pas, j'étais prudente avec les négatifs et les photos, je le suis avec le numérique !)
Mon APN est petit. Pas encore assez à mon goût. Je l'ai toujours sur moi, mais pas au travail. Et il m'est arrivé de passer devant un endroit, cour intérieure dans Paris, porche, péniche et de regretter de ne pas l'avoir. Le portable qui prend des photos, ce n'est pas encore top, ou alors très cher.
Je rêve d'avoir un appareil photo greffé dans l'oeil. Ça existe bien dans Alias non ? Mes filles râlent mais se sont habituées. Quand je les prends en photo avec leurs copains elle sont ravies ! Au moins ils sont tous sur la photo, il n'y en pas un qui se dévoue pour shooter (encore un mot bizarre ! la photo n'est pas la guerre !)
L'avantage de l'appareil photo greffé dans l'oeil ce serait en plus de prendre des photos sans en avoir l'air ! Pas pour espionner, mais pour se rappeler ce moment unique, ces yeux amoureux, l'inoubliable film que l'on repasse tant de fois. Comme dans cette chanson de téléphone "combien de fois la caméra de ton visage a vu image ou paysage" ou cette autre Des milliers de baisers :
Tout enregistrer, ajouter le son, les odeurs,
Adn, empreintes, mais que jamais rien ne meurt
Ces millions de films de nous, mais pas du cinéma
Toutes les scènes perdues que l'on ne jouait pas
Encore un rêve, car bien sûr dans ces moments intimes, on ne peut pas "dégainer" l'appareil photo (c'est quoi cette expression, la photo ce n'est pas la guerre)
Oui la photo fait partie du rêve. Elle fait remonter le temps. D'ailleurs j'ai quelque photos de moi, photographe photographiée (blague de ma soeur) avec chacun des appareils photos qui ont jalonné ma vie !