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Après il y a les souvenirs. Dans ces moments de nostalgie, j'oubliais que je n'aimais pas la campagne, que j'y allais de moins en moins, que je m'y ennuyais souvent.

La mémoire est étrange. Soudain je me mettais à penser à un endroit du jardin. Pourquoi celui là ? Un pan de mur, un arbre, la cabane à outils. Et je pleurais. Avec le temps je pleurais moins.

Je fais toujours le même rêve. Je n'aurais jamais cru que ça m'arriverait à moi. J'avais déjà lu ce genre de témoignages, souvent lié à une peur, à un traumatisme. Il y a des variantes bien sûr, mais pas toujours. Les nouveaux propriétaires nous invitent dans la maison ou nous la prête pour le week-end. Toute ma famille est là y compris mon père. Souvent je vois mes sœurs et mes filles petites filles en même temps (j'ai toujours été entourée de petites filles finalement !). Je vois la maison, je vais d'une pièce à l'autre. Je retrouve des sensations et des odeurs que je connais pas coeur. Mais je ne regarde jamais vers le champ. Je ne veux pas voir le changement, je ne veux pas voir la maison construite sur notre ancien terrain de foot. J'ai comme des œillères, je regarde droit devant.

Mon oncle et ma tante habitent toujours la petite ville à côté. Nous y allons, mais jamais plus loin. Nous leur avons demandé de ne pas parler de la maison, de ne jamais nous dire ce qu'elle est devenue. Il suffit qu'on parle d'eux ou de la maison ou que quelque chose m'y fasse penser, je refais le rêve. Le pire rêve que j'ai fait c'est ma mère et mes soeurs qui m'obligeaient à regarder la maison neuve, alors qu'elles en ont encore moins envie que moi !

J'ai tant d'imagination que j'ai même prévu comment éviter de passer devant si un jour je dois retourner à la ferme. Ca arrivera hélas, on sait qu'après les enterrements, on est invités dans la maison des défunts. J'ai même filé le tuyau à mes sœurs : il faudra passer par là !
Je me dis souvent que j'aurais moins souffertsi on avait pas découpé le terrain, si j'avais été sûre de la revoir comme avant, un peu changée bien sûr, mais cette maison neuve me fait l'effet d'un sacrilège !

Je sais que la perte de la maison est aussi liée à la mort de mon père. Je rêve sans doute d'un paradis perdu. Le deuil de mon père a été dur aussi, mais j'ai l'impression qu'il est fini. Pourquoi la maison de campagne ?

Le week-end dernier je suis allée à Center Parc. Depuis que nous n'avons plus la maison, j'emmène tous les ans ma maman à Center Parc. C'est la même région que notre maison, la même route, au moins au début. Ma maman est logée à l'étroit regrette son jardin. Ca nous permet d'être au milieu des arbres de faire une coupure. Bien entendu j'ai rêvé de la maison la nuit. C'est lors de ce séjour que je me suis décidée à écrire un billet "La maison de campagne", je remettais toujours au lendemain, et je ne me doutais pas qu'il faudrait plus d'un billet !

Parfois je me dis que pour exorciser mes démons, je devrais y aller. Affronter la réalité : voilà elle est devenue comme ça, retire tes oeillères.
Mais non ça ferait trop mal. De plus je ne pourrais pas m'empêcher d'en parler à ma famille et je leur ferais mal  aussi.