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C’est un matin en semaine. Cédric est parti très tôt, il avait un déplacement en province. Il a entendu quelques bruits bizarres mais sans plus.

Chez elle, vers 7 h, Martine est réveillée par des bruits d’explosion. Sur le coup elle pense à des pétards, mais s’étonne un peu. Si il arrive que ses petites filles fassent la fête, c’est rarement à 7 h du matin, et aucun n’est assez stupide pour faire exploser des pétards. Coralie est en voyage d’études en Corée, il n’y a que Manuréva. À priori en semaine, Manuréva ne fait pas la fête.

Marianne elle aussi a entendu les explosions. Elle voit bien que ça vient de la petite cour, et au bout d’un moment se demande ce que font les bouchers. Ils se battent ou quoi ?
Elle ne va pas dans la chambre de Manuréva, qui dort encore, mais dans le salon. Elle se voit ouvrir la fenêtre pour crier aux bouchers : mais qu’est ce que c’est que ce bruit, vous faites quoi ?

Mais quand elle ouvre la porte du salon, elle la referme aussitôt, horrifiée : le salon est plein de fumée qui entre par le bas, par les lames du parquet ! Et par la fenêtre, elle voit non pas les flammes, mais leur reflet dans la vitre, des flammes très hautes ! 

Elle court et appelle sa fille : Manuréva, descends vite !

L’ado descend en tee-shirt froissé et petite culotte : “Non, va chercher un pantalon, habille toi, prends ton manteau et sors dehors”

Marianne descend en courant, et croise Martine qui est sortie car le bruit devient insupportable. Quand Marianne lui dit qu’il y a le feu, elle comprend et regarde en l’air, une longue colonne de fumée s’élève au dessus de la maison. Je précise que Martine n’a pas de fenêtre sur la petite cour.

Marianne va tambouriner à la porte arrière de la boucherie, en hurlant qu’il y a le feu. Les bouchers se précipitent dans le local pour éteindre le gaz et l’électricité. L’un deux appelle les pompiers, il fait nuit, la ville est encore calme.

Les bouchers expliqueront qu’ils arrivent tôt, vers 6 h 30. Ils s’habillent, fument une cigarette et repartent au magasin d’où ils ne sortiront pas avant 10 h. Si personne n’avait rien vu, le feu aurait vite pris de l’ampleur. D’après eux toujours, ils auraient vidé un cendrier dans la cour, dans les cartons. Le bruit d’explosion, ce sont des bouteilles de champagne qui explosent. Dans la cour ils jettent aussi leur bouteille de gaz vides.

Les pompiers sont là très vite. En fait quelqu’un les as déjà appelés. La colonne de fumée se voit de très loin, ils pensent à un feu de cheminée. Mais si les habitants de l’immeuble n’étaient pas là, il aurait été très difficile de repérer l’entrée de la petite cour, au fond de l’immeuble. Pas facile d’y accéder !

Tous les bouchers sont dans la rue, la porte cochère est ouverte en grand ainsi que la porte de la cour. Martine, Manuréva et ma belle sœur sont dehors. Marianne a vu tant de pompiers qu’elle ne sait pas à qui elle a dit bonjour, ni combien ils sont.

Le feu est très vite maîtrisé. Sous la maison, toute la partie qui est “suspendue” a brûlé, il n’y a plus de ravalement, et la pierre est fragilisée (en fait je ne sais pas en quoi elle est faite, la maison). Le meuble fabriqué “exprès sur mesure” a bien entendu contribué à alimenter les flammes.

Deux pompiers montent aider Marianne. Le plancher est un bon combustible et peut très bien se remettre à flamber. Un pompier aide Marianne à déplacer tous les meubles y compris le piano. On détruit une partie du plancher, l’ancien emplacement de la cheminée pour voir sous le plancher si il reste un foyer. Idem sous la maison, toute la pierre est retiré, afin de voir le plancher. 

Le capitaine des pompiers dit à Marianne qu’ils ont eu une chance incroyable. Si la vitre avait explosé, le feu entrait dans le salon et bien entendu avec les rideaux, fauteuils et canapés, tout va très vite. Il s’agit d’une vieille fenêtre : du bois, une vitre simple.

Idem pour ma nièce qui heureusement a le sommeil lourd. Si elle avait ouvert la fenêtre de sa chambre, avec la fumée elle était très vite asphyxiée.
Les pompiers demandent ensuite comment accéder à la maison qui donne de l’autre côté de la petite cour. Là encore en ville, si on ne connaît pas, il n’est pas évident de trouver l’entrée de cette maison, qui donne sur la gare.

Côté gare, les pompiers avec la grande échelle montent au dessus de la petite cour pour constater les dégâts d’en haut.

Quand il commence à faire jour et que la rue se remplit de piétons, le patron de la boucherie veut fermer la porte du porche, il craint que ça ne fasse de la mauvaise pub à sa boutique.

Martine furieuse lui dit que c’est bien fait pour lui, tant mieux si les gens voient que c’est “beau devant” (le magasin a été refait à neuf depuis peu) et très malsain derrière ! 

Sa volonté de “cacher la misère” est plutôt drôle quand on connaît la suite !

Le soir je viens voir Martine. Il fait de nouveau nuit. Quand j’arrive, Martine, le patron et l’expert de l’assurance sont dans le salon. Le patron est dans ses petits souliers, il veut payer les travaux pour réparer le plancher, les dégâts tout de suite. L’air rentre par le dessous,  il fait froid, le salon est inutilisable et c’est bientôt Noël. 

Je regarde par la fenêtre pour constater à quel point la cour est un dépotoir. Remplie d’une eau sale, cela n’arrange rien !

Puis l’expert de l’assurance du magasin, le patron et Martine redescendent chez Martine qui doit leur donner les coordonnés de la copropriété. Marianne est partie travailler et doit rentrer tôt.

Je me retrouve seule dans la maison vide. Cela fait pourtant longtemps que cette maison n’est plus la mienne. Servane n’en a jamais fait le deuil et la regrette encore.

Pas moi, je m’en moque. Ce n’est plus la mienne, ni même celle de mes parents. Manuréva m’avait justement demandé récemment : ça ne fait pas drôle que d’autres gens habitent chez toi ? Moi je ne supporterais pas ?

Je lui ai dit non. Je suis contente qu’elle soit restée dans la famille, mais ce n’est plus ma maison, c’est celle de mon frère et de ma mère, et c’est très bien comme ça !

C’est comme ça pour beaucoup de personnes : une maison dans laquelle on a été heureux, mais on a plus envie d’y habiter.

Mais là, ce soir là pourtant, c’est différent. Est-ce parce que je suis seule dans la maison ? Parce qu’il n’y a  plus aucun meuble dans le salon ? Mais je ressens une sensation de vide soudain. Ma maison a failli brûler. La maison de mon enfance, la maison du bonheur.

Bien entendu j’ai pris des photos. quels que soient mes états d’âmes, on peut compter sur moi pour être le reporter familial !

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