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Cédric a une nouvelle voiture, hier il nous a emmenée Martine et moi au cimetière pour l’essayer. Au retour il nous a proposé de boire un café à l’Arrivée. Ce café de la gare, à deux pas de la maison (la maison de Martine, de Cédric, la maison de mon enfance donc) est l’endroit où mon frère va très souvent boire un café. Habitude qui fait rire beaucoup de gens : quel intérêt de boire un café à côté de chez soi ? Autant allumer la cafetière. Habitude de citadins sans doute, car nous sommes plusieurs à le faire.

Une fois installée j’ai souri en rappellant à ma mère un souvenir : en mars dernier quand elle est sortie du coma, encore empêtrée dans ses tuyaux et sans aucune force pour se lever, elle houspillait ses enfants et petits enfants, insistait pour qu’on l’emmène, qu’on l’aide à se lever :

- Mais pourquoi faire ? Tu veux aller où ?

- Boire un café à l’Arrivée !

Ce qui déclenchait des éclats de rire, surtout des petits enfants : mais grand-mère tu ne vas jamais à l’Arrivée !

Imaginer leur grand-mère qui ne sort que pour faire le marché, les courses ou quand ses enfans l’emmènent quelque part, aller boire un café au café du coin, il y a de quoi rire !

Et pourtant il semble que le destin s’en soit mêlé…

Martine n’a pas d’amis, et les rares fois où elle aurait eu l’occasion de s’en faire, trop timorée, voire sauvage, elle n’a pas donné suite.
Je le lui ai souvent reproché : tu ne vis que pour tes enfants et petits enfants ! Mais même les petits enfants grandissent et ne seront pas toujours là. Elle me répond qu’elle a ses frères et soeurs. Ses frères vivent loin, et il ne reste que deux soeurs en vie. Mais elles aussi ont des enfants, des petits enfants et sont débordées.

Cette année pourtant Martine a reçu 40 cartes de voeux ! Elle a frôlé la mort, beaucoup de silencieux ont du se dire que la vie est courte.

Quand Martine était à l’hôpital, elle a eu la visite d’une femme charmante, qu’elle connaissait un peu. Cette dame Yvonne était la nourrice de la fille de l’amie d’enfance de Servane. Yvonne a une fille qui est partie vive aux Etats Unis, elle est veuve. Elle s’occupe en s’occupant des autres, aidant les personnes âgées de son voisinage, elle aime se rendre utile.

Durant les 4 mois que Martine a passé à l’hôpital elle est venue la voir tous les jours. Elle est un peu plus jeune que Martine mais elles ont beaucoup de points communs, Martine disait : qu’est-ce qu’on raconte comme bêtises !

Un jour Artémis me dit au téléphone : grand-mère m’a dit qu’elle allait au resto avec une copine ! Une copine ! Grand-mère a une copine !

J’ai dit oui ! Car depuis que Martine est sortie de l’hôpital, Yvonne et elle se voient régulièrement. Elles vont au salon de thé, au café, au restaurant. Yvonne dit : je vous dévergonde…

C’est petit chez Martine, et chez Yvonne aussi, c’est mieux de sortir? Et puis Ville Natale offre tellement de possibilités ! Martine redécouvre la villle qu’elle avait presque oubliée, le nombre de restaurants et de cafés qui ont changé d’enseigne !

Leur relation est amusante : Yvonne dit : vous êtes ma petite sœur. Si Martine a une course à faire loin de chez elle, ou une viste chez l’opticien, même si elle marche de mieux en mieux, Yvonne l’accompagne et souvent parle pour elle, car Martine n’entend pas toujours. Un jour j’ai demandé à Martine :

- Mais vous continuez à vous vouvoyer ? Vous ne direz jamais ” tu “.

- Oh non, on se vouvoyera toujours !

” On va boire un café, ou manger une crêpe ou un gâteau, bien sûr ça fait dépenser des sous, dit Martine qui reste normande, parfois 7  ou 8 euros “… J’éclate de rire !

Beaucoup de cafés ont changé d’enseigne. Mais pas l’ Arrivée ! Et c’est là que Martine et son amie vont le plus souvent.

Alors hier j’ai dit à Martine : Hé bien tu vois, tu devais être visionnaire : tu n’allais jamais boire un café à l’Arrivée avant ton hospitalisation, mais maintenant tu y vas souvent !

Comme quoi les cafés de la gare sont des thérapies très efficaces sans le savoir !

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