couple1Lucien et Mar­tine s’ins­talle dans une petite mai­son. Ça aussi c’est osé pour l’épo­que. Et Jeanne qui pour­tant est à che­val sur les prin­ci­pes ne pro­teste pas.

Ils achè­tent une cham­bre à cou­cher, une gazi­nière. Une mai­son, une cham­bre à cou­cher, une gazi­nière, c’est plus que Mar­tine a rêvé, plus qu’elle n’a jamais eu, elle qui a tou­jours par­tagé sa cham­bre.

Et puis ils com­men­cent à faire les papiers pour le mariage, à publier les bans. Lucien s’appelle Amour. Un joli nom que Mar­tine va por­ter.

Lucien a vu un jour chez un client une jolie petite fille, blonde fri­sée aux yeux verts et rêvait d’avoir la même, et vou­lait même lui don­ner le même pré­nom. Fri­sée à la rigueur, vu ses che­veux cré­pus, les yeux verts aussi, toute sa famille sauf lui a les yeux verts, mais blonde, vu le brun téné­breux qu’il était, même avec la peau claire de Mar­tine, ça parais­sait dif­fi­cile !

En avril Lucien doit se faire opé­rer de l’appen­di­cite. Rien de grave. Et pour­tant avec tout ce qu’il a vécu avant, tous ses pro­blè­mes de santé, il pense à la mort. Il dit à Mar­tine : si je dois mou­rir, j’inter­vien­drai là haut pour que tu trou­ves un homme bien, parce que tu es trop gen­tille, tu te ferais avoir.

Mar­tine pré­fé­rait igno­rer ces hor­ri­bles pré­dic­tions.

Le jour où Lucien devait sor­tir de l’hôpi­tal, Mar­tine n’avait pas pu se libé­rer, on ne rigo­lait pas avec les jours de congé à l’épo­que, il fal­lait une rai­son vala­ble pour pou­voir s’absen­ter.

Mar­tine envoie donc sa sœur, une des jumel­les pour aller cher­cher Lucien à l’hôpi­tal et lui ame­ner des vête­ments.

Lucien est en pleine forme. Il se pré­pare, au moment de par­tir une infir­mière reli­gieuse lui demande si il peut aller lui cher­cher du coton. Il a bien plu aux bon­nes sœurs, il est sym­pa­thi­que Lucien.

Plus tard Mar­tine reçoit un coup de fil. C’est l’hôpi­tal qui l’appelle, on lui dit qu’elle doit venir, il y a un pro­blème avec son fiancé.

Mar­tine prend le taxi. Elle pleure, elle a un mau­vais pres­sen­ti­ment. Le chauf­feur lui demande ce qu’elle a :

- je crois que mon fiancé est mort !

Le taxi la dépose devant l’hôpi­tal, elle se pré­sente à la gué­rite, une minus­cule petite mai­son où elle dit qu’on l’a appelé. L’employé regarde un grand tableau, avec des noms.

Cette image devra la han­ter long­temps.