Voilà ma petite maman nous a quittés. Elle a eu une belle cérémonie. J’ai passé des moments difficiles bien sûr mais aussi de bons moments avec mes filles et gendres, nous avions loué un chalet dans le camping de Ville Natale. Ce n’est pas parce qu’on est une ville royale qu’on a pas de camping ! 

Je me suis étonnée de moins pleurer que pour la mort de mon père il y a 20 ans. J’ai pleuré bien sûr mais pas de grosses crises de larmes. Je me souviens d’avoir été un zombie pendant plusieurs jours quand mon père est parti.

Mes filles ont beaucoup pleuré leur grand-mère, tout comme les 8 autres petits enfants de Martine. 

Nous en avons parlé avec mes sœurs qui elles aussi s’étonnaient d’avoir moins pleuré.
Y a t-il des explications ? Nous étions jeunes et même si nous avions perdu nos grands-parents c’était le premier mort très proche, nous avions aussi cette illusion  : ça ne peut pas m’arriver à moi ! Malgré tous ses soucis de santé, Eugène n’était pas hospitalisé, il est parti d’un seul coup à son domicile à côté de ma mère juste avant de fêter ses 70 ans. 

Ensuite, vu que l’on a enterré notre père, on doit se dire quelque part qu’un jour notre mère le rejoindra dans la tombe rose. Ma mère en parlait, elle disait même que c’était long, qu’elle n’aurait pas cru que ce serait si long. Martine avait 83 ans. Et depuis février elle avait eu tant de soucis de santé qu’il était difficile d’imaginer une issue favorable. À partir de mars elle n’avait plus sa tête, elle nous reconnaissait bien sûr, mais c’était impossible de lui téléphoner, de lui parler, elle était dans son monde étrange peuplé de souvenirs et de lieux divers. Nous n’avions plus de maman à proprement parler. Et puis les derniers mois elle a tellement souffert, tellement maigri que ce n’était plus une vie mais une survie. 

La dernière fois qu’elle m’a appelée il était minuit j’étais à la Sauvageonne. Elle n’entendait rien (pas d’appareil auditif) mais me demandait de venir la chercher pour un mariage, rien n’était prêt, elle n’avait pas pu s’occuper des fleurs. Cela faisait deux jours qu’elle était obsédée par ce mariage, peut-être à cause des grosses chaleurs (la dernière période de canicule). Au bout du 3ième appel, l’infirmière de nuit m’a parlé en s’excusant, je lui ai dit que ce n’était pas grave. Elle a rassuré ma mère en lui disant qu’il n’y aurait pas de mariage ce soir. Tous mes appels sont enregistrés mais pour le moment je n’ai pas envie de réécouter la voix de Martine qui n’a jamais changé (pas de chevrotement, ni de voix enourée).

À l’église puis au cimetière de nombreuses hommages lui ont été rendu. J’ai lu la première, puis les petits enfants ont lu. Au cimetière mes deux filles ont lu. Athéna qui écrivait beaucoup à sa grand-mère lui a lu sa dernière lettre. Artémis lui a parlé de la nature qu’elle aimait tant, en disant que pour elle toute vie était importante : une fleur, un papillon, un animal. Artémis a apporté de la terre de la Sauvageonne pour mettre avec le cercueil. 

Puis Servane a parlé. Le portrait qui se dressait à travers tous les témoignages était celui une femme simple capable de s’émerveiller devant une fleur ou un scarabée. Une femme pour qui la famille était la clé de voute d’une vie réussie. Une femme qui aimait les enfants car ils représentaient l’innocence, une femme qui n’a pas hésité à héberger dans le salon parfois pendant plusieurs mois un cousin, un copain qui ne savait pas où loger. Une femme très croyante. Beaucoup de paroles aussi pour parler de son cher Eugène qu’elle avait hâte de rejoindre, du couple qu’ils formaient et de la famille qu’ils ont bâti. 

Pour une fois je vais sortir un peu Martine de l’anonymat en vous montrant cette photo qui est sur le livret de messe, elle est à la Sauvageonne avec une de ses fleurs préférées. Elle a toujours eu des rondeurs et n’a jamais eu de cheveux blancs. 

Je reparlerai sûrement de ma maman au fil des billets. Les bons souvenirs vont rester, pas ceux de l’hôpital et des derniers mois. Voici le texte que j’ai écrit et lu à l’église. 

Maman,
Grâce à toi et à papa nous avons eu une enfance heureuse. À la campagne nos amis nous disaient que les Nathannaël c’était la petite maison dans la prairie.
Tu as tant fait pour nous, je pense à tous ces repas que tu préparais à Ville Natale, nous ne mangions pas à la cantine le midi,  tu faisais aussi la cuisine en week-end à la campagne et en vacances à la Sauvageonne et tu disais toujours oui si nous invitions des copains. 

Maman j’ai toujours l’impression que tu es en voiture à côté de moi. 
Après la mort de papa, je t’ai emmenée souvent prendre un bol d’air, faire des balades dans la campagne. 
J’ai tant de souvenirs des départs à la Sauvageonne tu me disais : viens me chercher je n’ai qu’un sac, et je trouvais 10 sacs alignés dans la cour. Nous partions dans ma vieille break chargée à bloc, mes filles, le chat, une ou deux cousines ou un cousin. Nous nous arrêtions aux Eoliennes pour pique- niquer et tu nous avais préparé une tarte aux poireaux.
Je pense à tous ces livres que nous avons partagés, je me souviens des dimanches où j’arrivais chez toi et tu regardais la messe à la télé, je me souviens d’avoir regardé avec toi les couchers de soleil à la piscine et de toutes nos conversations. 

Tu as été une grand-mère adorable douce, attentive et disponible pour tes petits enfants. Tu as donné tant d’amour à tous, qu’il te soit rendu au centuple. 

Tu vas retrouver beaucoup de gens que tu aimes et qui t’aiment là haut. 

Tu vas beaucoup me manquer.