Cette histoire n’est pas particulièrement poétique, il en est ainsi dès qu’on touche à la santé, au corps, il y a peu de maladie “propres” dont on peut parler à table !

L’être humain est ainsi fait, les problèmes psychologiques peuvent influer sur la santé, et vice versa. Quelquefois les deux sont intimement liés sans que l’on s’en rende compte…

J’ai entendu l’histoire de Fabienne, et puis je l’ai plus ou moins suivi de près, il y a de ça quelques années. Ça se passait à l’époque où je travaillais avec Nathanaëlle dont j’ai déjà parlé. Nous étions plusieurs femmes du même age, entre 35 et 45 ans, toutes avec des enfants, en bas âge ou pré-ados, et deux autres femmes, en âge d’être nos mères, 20 ans de plus, mères de filles déjà grandes. L’une d’elle Odette, compte plus dans l’histoire.
Fabienne venait souvent nous voir, prendre le café.

Il se trouve que nous étions dans un service “en perte de vitesse” qui reste sur ses méthodes de travail obsolètes, ne s’adapte pas aux évolutions (tout le monde trouve les formulaires sur l’intranet, mais on continue de garder un service de 10 personnes pour les envoyer sur papier). C’est l’administration, ne cherchons pas, tout cela pour dire que le travail se faisait rare, que nous attendions des décisions d’en haut pour changer de service et que donc nous avions du temps pour papoter… Sans ces conditions, je n’aurai probablement jamais rien su de l’histoire de Fabienne.

Fabienne avait 35 ans à l’époque, deux enfants, en plein divorce.

Odette souffrait d’une malformation peu agréable : incontinence totale due à une descente d’organes. De nombreuses opérations, séance des kinés, médicaments pleins d’effets secondaires ne lui avaient pas apporté la paix. Elle vivait un enfer, calculant ses déplacements, se demandant toujours si entre la bouche de métro et le bureau (ou plutôt les toilettes les plus proches) elle aurait le temps. Pour elle point de lingerie, point de balade sur la plage en maillot de bain après la baignade, même les courses au supermarché étaient minutées.

Comme cette maladie n’en est pas une, les médicaments “confort” ne sont pas remboursés, et cette femme a du travailler jusqu’à 60 ans sans jamais être considérée comme malade ou avoir droit à des aménagements dus à son handicap.

C’est parce qu’Odette nous avait raconté ses malheurs, que Fabienne, en âge d’être sa fille, donc, nous raconta à son tour les siens.