Dimanche matin... Je me lève tôt. Rendez-vous chez ma mère à 8 h. Ma soeur vient nous chercher avec sa fille, nous partons à une communion à Alençon.
Sensation étrange de se lever si tôt dans la maison silencieuse alors que c'est dimanche. Impression de brouillard, d'être en dehors de la vie... Comme ces réveils matinaux pour de longs voyages...
Traversée du jardin où l'herbe mouillée de rosée rafraichit mes orteils dans des sandales ouvertes...
Puis je monte dans la voiture d'Athéna... Athéna a les poches (et le réservoir d'essence) presque vides, et il a été convenu que je lui laisse ma voiture, puisque je ne vais pas loin...
Portière qui grince... Voiture très basse, sièges inconfortables. Démarrage difficile, starter... c'est où ? Ça existe encore ? Vitres embuées, essuie glace paresseux. Le dégivrage arrière ne marche pas. Le volant est dur, les pédales récalcitrantes... Le levier de vitesse dur aussi...
La ford cabriolet d'Athéna a 20 ans. Le même âge qu'elle. Et ce n'est pas la première fois que sa voiture me fait faire un bond de plus de 20 ans en arrière... Un jour j'en suis même restée bouche bée, surprise à chaque fois par "le coup de la madeleine"...
Les objets, les sensations ont un tel pouvoir pour ramener des souvenirs totalement enfouis....
Je suis une jeune fille. J'ai une 304 cabriolet. Voiture très basse, sièges inconfortables. Démarrage difficile, starter... Vitres embuées, essuie glace paresseux. Le dégivrage arrière ne marche pas. Le volant est dur, les pédales récalcitrantes... Le levier de vitesse dur aussi... Non pas de dégivrage arrière, ça n'existait pas sur les décapotables...
Sensation étrange... L'aiguille de la jauge d'essence dans le rouge... Souvenir de jeunesse aussi. Le matin...
Réminiscence... tout revient en roulant... Un matin. Je viens de quitter un homme avec qui j'ai passé des moments inoubliables.
C'est l'été. Je me lève tôt car lui il part travailler. Je rentre dans la maison de vacances.
Impression de brouillard, d'être en dehors de la vie... Comme ces réveils matinaux pour de longs voyages... Traversée du jardin où l'herbe mouillée de rosée rafraichit mes orteils dans des sandales ouvertes...
Voiture, pare brise embuée. Puis cette espèce d'angoisse, ce vide au cœur. Parce que même si les moments ont été inoubliables, même si jamais l'angoisse n'est venue les troubler, la jeune fille que j'étais savait très bien que c'était encore une histoire éphémère, une histoire de plus...
Encore un matin... Un matin pour rien...
Cette angoisse je l'appelais "l'angoisse de 6 h du mat"... Même si je ne me levais pas toujours si tôt. Mais c'était toujours le matin, ce nœud dans le ventre, ce cœur serré.
Puis tout d'un coup des années plus tard ce souvenir là revient, à cause d'un réveil matinal et de la vieille voiture de ma jeune fille aînée.
Et je me suis mise à sourire bêtement seule dans ma voiture...
L'angoisse de 6 h du mat ? Plus jamais je ne la ressentirais ! Je pourrais encore être déçue... Me dire que c'est une histoire sans lendemain. Je pourrais encore vivre un vrai chagrin d'amour...
Athéna et Artémis dorment tranquillement à la maison. Et ce soir je les retrouve. Entre temps on va sûrement s'appeler.
Alors l'angoisse de 6 h du mat ? Je l'ai oublié depuis des siècles.
Oui je sais ça parait étrange d'avoir une sensation de plénitude, de tâche accomplie, une sensation d'être à l'abri parce qu'on aime et qu'on est aimée de sa progéniture.
Ça peut paraître bizarre pour certains. Mais une vie sans enfant, je ne peux pas l'imaginer.