Lors de nos cours de théâtre en visio, nous faisons des improvisations sur différents thèmes. Les impros se font souvent à deux. La dernière fois nous avons fait ” le confessionnal ” l’un joue le rôle du confesseur, l’autre du pécheur. 

C’est amusant d’ailleurs que les plus jeunes (dans la trentaine) ne savent pas trop ce que doit dire le confesseur, même si on leur explique que ce n’est pas une question de religion, que cela peut-être un gourou, un professeur, un moine boudhiste.
Hier tandis que les plus anciens d’entre nous plaisantions sur certaines scènes de livres classiques avec le prêtre qui tente d’avoir des détails croustillants, j’ai raconté qu’enfant j’avais eu une question : ” vous êtes gourmande mon enfant, dites m’en plus ? “ 

Je me suis souvenue de mon enfance. Nous allions au catéchisme, une séance chez une ” dame cathéchèse ” très souvent barbante. Une autre séance de groupe dans l’église ou dans la petite chapelle avec un prêtre, j’y allais avec ma sœur. Et bien sûr la messe des jeunes obligatoire. Le rêve pour les mères de famille nombreuses dont les plus grands sont ainsi souvent à l’extérieur.

L’église de Ville Natale est magnifique et je rêvais en regardant le décor. C’est toujours plus agréable de rêver devant les vitraux et les colonnes que dans la salle de classe où il n’y a guère que le marronier de la cour pour accrocher le regard !
Cela ne m’a pas empêchée d’obtenir mon diplôme de grande rêveuse. 

Bref ce confessionnal en bois et velours et son mystère me faisait rêver, juste pour le plaisir d’y entrer j’aurais confessé tous les crimes du monde ! Malheureusement pour moi, les enfants étaient confessés dans un coin de l’église. Le confessionnal était réservé pour les adultes les jours de confession. J’ai tout de même pu y aller une ou deux fois. 

J’étais bien embêtée quand il s’agissait de confesser mes péchés. J’étais une petite fille sage, je rangeais ma chambre, j’étais gentille avec mes parents, certes je taquinais ma sœur mais rien de bien méchant, d’ailleurs elle devait confesser le même péché quand son tour venait.
Le seul reproche que mes parents avaient à me faire était de ne pas assez travailler à l’école. Du coup c’était plutôt eux qui n’étaient pas très gentils. Une autre époque ! Aujourd’hui on considèrerait qu’une enfant docile, sérieuse avec des cahiers bien tenus mais qui s’ennuie à l’école est sûrement mal orientée ! Pour preuve je n’ai jamais tyranisé mes filles et elles mènent très bien leur barques sans avoir bac + 30.

Mais je m’égare. Un jour où je devais encore subir la corvée de la confession pour avoir le droit de communier le dimanche (Martine dirait qu’aujourd’hui tout le monde s’en fiche et communie quand même) je me suis dit que j’allais dire que j’étais gourmande.
Comme tous les enfants j’aimais les bonbons sans que ce soit un problème existentiel, je n’aurai pas volé ni pillé les placards pour autant. Voilà donc que je sors au curé mon couplet habituel : j’ai taquiné ma sœur, mal répondu à ma mère et je suis gourmande. Là vint la fameuse question. Dites m’en plus… Euh je ne sais pas moi ! Car en plus j’étais timide à l’époque. 
Une fois tous mes horribles forfaits confessés, le curé fait une conclusion : ” il  ne faut pas être gourmand car il y a des enfants qui meurent de faim “. Rêveuse peut-être mais intelligente quand même, je ne voyais vraiment pas le rapport avec la choucroute !
Je n’ai pas dit ce que je pensais : ” et donc si je cesse d’être gourmande les enfants ne mourront plus de faim ? Dois-je leur envoyer mes bonbons ? “

Bien sûr j’en ai parlé à plusieurs personnes ensuite. Ces chers confesseurs n’avaient sans doute pas pensé que la confession doit être une démarche volontaire. 
Puis heureusement j’ai grandi, plus de caté, plus de corvées.

Des années plus tard je me suis tout de même confessée, c’était pour mon mariage. Dans l’église de Saint Léon, le village de la Sauvageonne, un petit prêtre très impressionné de voir venir ma tribu au complet pour la confession. J’avais demandé une vraie messe et le prêtre voulait savoir si plusieurs personnes comptaient communier. Nous attendions tous dans la petite église et le prêtre s’est isolé avec chacun de nous. Je suis passée la première. Là plus question de bonbons, j’ai dit la vérite : je doutais et ma foi s’ébranlait. Le confesseur avait eu des sages paroles. Vint le tour de Benjamin qui avait été un premier communiant turbulent et n’avait pas pu faire sa profession de foi vu qu’il n’allait jamais au caté. 
Ce fut ma dernière confession. J’ai ensuite assumé ma ” désertion ” et je n’ai jamais communié pour faire comme tout le monde les jours de mariage, de baptême ou d’enterrement. Cependant je sais me tenir et respecter les lieux et les rites. 

Ce n’est pas une histoire de confession mais celui qui nous a fait le plus rire c’est ce taquin de Jérémy qui a été un enfant de chœur espiègle à Petite Colline. Un jour il a remplacé le vin de messe par du porto, une autre fois il a noué entre eux les lacets des baskets des autre enfants de chœur (sûrement complices). D’ailleurs cela m’amuse toujours de voir les grosses baskets dépasser des aubes ! 

« lorsqu’elle allait à confesse, elle inventait des petits péchés, afin de rester là plus longtemps à genoux dans l’ombre, sous le chuchotement du prêtre ».
C’est un argument utilisé au procès de Flaubert pour montrer combien il offensait la religion ! 

Moi j’ai inventé la gourmandise ! Hihi ! 

Les péchés d’Emma