Depuis le début de cette sale période, je n’arrivais pas à retrouver mon optimisme et ma joie de vivre. Bien sûr le confinement y est pour beaucoup mais pas seulement. Je n’ai pas sauté de joie le 11 mai, il reste encore beaucoup de contraintes. J’ai tout de même pu voir ma mère de plus près et faire un apéritif familial ” en vrai ” en gardant les gestes barrières. 

Il y aussi le travail, je ne vais pas me plaindre je suis en télétravail mais il arrive un moment où seule devant mon micro je sature. Et puis les directives contradictoires  et paniquées venues d’en haut se succèdent. Le seul but est de ” gérer le stock ”  rattraper le retard alors qu’on sait très bien que le retard on finira par le rattraper mais pas en un jour…
La dernière conférence téléphonique j’étais complètement découragée. Il faut absolument organiser une commission sinon le ciel va nous tomber sur la tête. En entendant le responsable du bâtiment j’imaginais le topo : les visiteurs rentreront trois par trois, masqués, il y aura du gel hydroalcolique à l’entrée, la porte de la salle restera ouverte, il faudra aérer toutes les 15 minutes, une femme de ménage sera là toute la journée (la pauvre) et devra désinfecter la table après chaque audition, les tablettes seront désinfectées, les visiteurs signeront la feuille d’émargement avec leur propre stylo etc.
J’avais envie de dire : mais vous êtes fous ! Stop arrêtez tout ! C’est invivable ! Appuyez sur la touche pause et on en reparle en septembre ! 
C’est l’administration que diable ! Des mois de retard même en temps normal, des décisons signées 3 mois après leur rédaction, et là tout d’un coup nous voilà indispensables et hyperpressés. 
Artémis travaille dans un tribunal, depuis le déconfinement elle est retournée travailler, avec masque et une personne par bureau bien sûr, mais on leur a dit : pour le moment on ne sait pas comment faire, alors limitez vous aux tâches que vous pouvez faire.
Hé oui dans le Sud on dirait que c’est plus cool et qu’on ne se prend pas la tête !

Oublions le travail que je n’ai aucun mal à oublier. 
Il y a aussi l’ambiance dans les rues, les masques, la peur de froler les gens de trop près. Ma déception de ne pas pouvoir aller à la Sauvageonne, le mariage de mon neveu reporté, il aurait été l’occasion de voir mes filles et un mariage c’est une fête attendue par tous. 

Et puis d’autres événements autour de moi. Je participe activement à un goupe FB qui concerne les trois villes imbriquées les unes dans les autres où je vis depuis longtemps. J’adore prendre des photos, collectionner les cartes postales, comparer. Mais voilà les choses changent depuis environ 5 ans.
Je me suis installée dans MaVille Athéna avait 3 ans et Artémis 1 an. J’ai aussitôt adoré cette ville pas trop grande près des étangs et des forêts qui avait su garder son âme avec ses maisons en meulière. Ces villes étaient à l’origine les sorties à la campagne des parisiens lorsque le chemin de fer et le tramway ont permis d’y accéder. Je raconterai un jour toute l’histoire en détail. J’adore voir sur les cartes postales les guinguettes au bord des étangs, les hôtels où les groupes sur les terrasses semblent ravis…  Alors que nous penserions  ” oui la forêt, les étangs c’est bien mais on ne va quand même partir en vacances à 15 km de Paris ! “  
Il n’en reste pas moins que MaVille est très agréable, et lorsque j’ai déménagé à Belle Voisine c’est en restant dans le même quartier (oui je vous dis des villes imbriquées les unes dans les autres). 
J’ai probablement eu de la chance : des années durant rien n’a changé. Ni dans mon petit quartier excentré, ni dans le centre ville plus peuplé car sur la route qui mène à Paris. 

Et puis changement de politque de PLU que sais-je, tout a commencé à changer, le centre ville d’abord puis la gangrène a pris partout. Je ne blame pas les propriétaires qui vendent leur meulière : souvent ce sont des personnes agées qui n’ont plus les moyens de faire des travaux, qui veulent un logement plus adapté. J’ai vu des maisons qui sont restées en vente plus de 4 ans. C’est trop cher et il y a trop de travaux. Et puis certaines ont perdu de leur charme : la rue calme est devenue bruyante, la maison est cernée par les immeubles car le moindre centimètre carré de terrain est bâti. Bref en désespoir de cause les propriétaires vendent à un promoteur. Des années durant MaVille n’autorisait pas plus de 4 étages, contrairement à Belle Voisine qui autorisait les hauteurs. Maintenant plus personne ne comprend rien. Les jardins deviennent des immeubles, les arbres sont déracinés. Et le phénomène s’accélère. Quand je croise mon ancien voisin qui ne s’est pas remis de mon départ  (j’étais la dernière des ” anciens habitants des petites maisons “ toutes les mamies sont décédées) il me dit combien il est catastrophé, car dans les nouveaux immeubles il n’y a pas assez de parking pour tout le monde. Dans la rue proche de mon ancien chez moi où je passais tous les jours il y avait un vieil immeuble en meulière. Peut-être pas luxueux à l’intérieur mais joli. À l’arrière un parking non pas en béton mais en gravier. Hélas cet immeuble dont tous les appartements étaient loués appartenait à une vieille dame qui est décédée. L’immeuble a été à vendre en entier, mais qui peut acheter un immeuble entier ? Il a été ensuite vendu par lots. Et un petit futé à eu l’idée de construire deux pavillons dans le parking. Fini le parking pour les locataires. Quand aux pavillons avec vue sur immeuble… mouais il faut aimer…  mais ça va se vendre, tout se vend ! 

Je comprends qu’il faut loger tout le monde, oui je veux bien le comprendre. Mais d’une part il faut quand même avoir un portefeuille bien garni pour acheter ou louer dans ce secteur et puis quand je croise des gens qui ne connaissent même pas leur ville :  ils ne sont que de passage pour 2 ou 4 ans, alors que mes voisins et moi sommes encore des passionnés.
Oui je veux bien comprendre… Mais loger dans une ville sans âme sans histoire ? 

Bref j’ai été bavarde, tout ça pour dire qu’il ne se passe pas un jour sans que j’apprenne que tel endroit va être rasé, ou que je ne le constate moi même. Des associations se forment des ” Stop béton ” mais je crains que ce ne soit la bataille du pot de fer contre le pot de terre. 

Cela me déprime pourtant je n’aime pas dire ” c’était mieux avant “. Quand mes filles viennent elles ne reconnaissent plus rien. Elles disent qu’elles ont bien fait de partir et je me dis qu’il est temps que je parte aussi !

Les gens qui font le Paris Versailles, dont mon beau-frère, même si le parcours passe par la forêt et par une route plutôt jolie me disent : mais qu’est’ce qu’il se passe vers chez toi ? Tout est rasé et remplacé par des immeubles !
Même ce bon vieux château d’eau qui ne gênait personne. Que vont devenir la rue du château d’eau et le quartier du château d’eau sans château d’eau ? 

La dernière en date la chaumière, la destruction de la chaumière… Non pas ça !
C’était un restaurant où j’étais allée un petit coin sympa. J’avais appris que la place s’appelait Place des fêtes et qu’il y avait un manège. Le nom avait changé, les propriétaires aussi mais c’était toujours resté un restaurant qui organisait des fêtes et des mariages avec l’avantage d’être près de la ville et de la forêt et d’avoir un parking. Et puis dans ce coin il y a aussi la piscine, les tennis, et les chemins forestiers. 
La piscine en bois a été rasée. La commune n’a pas les moyens de la mettre aux normes. Revendue à un promoteur qui va nous faire un mega parc à toboggans géants, pour cela il a fallu raser la petite maisonnette à côté et supprimmer le petit parking.
Je ne la verrai sûrement pas finie, tant mieux ! 

Où est l’éclaircie dans tout ça ? Il va falloir faire un autre billet, j’ai été trop bavarde ! 

à suivre