Je suis dans le train. Cela fait au moins un an que je n’ai pas revu Muriel qui m’a invitée à un “week-end œnologique”. Beaucoup de choses ont changé pour elle ! Elle a rencontré l’homme de sa vie, qui sera là et qu’elle veut me présenter ! C’est d’ailleurs chez lui que nous allons, enfin dans un “petit chateau” qui appartient à sa famille, où il organise tous les ans un week-end œnologique. Il invite quelques amis, tout le monde dort sur place. Et durant le week-end, dîner, déjeuner, on goute les vins, on prend des cours…

Muriel ne peut pas venir me chercher à la gare, c’est donc Ludovic, le nouvel homme de sa vie qui va venir me chercher. Ça m’impressionne un peu, avec tout ce qu’elle m’a dit ! J’espère qu’il n’est pas trop guindé !

Me voilà enfin à la gare, couloirs, valises, va et vient. Ludovic a vu ma photo il parait. Je le vois là bas, il me fait signe.
Taille moyenne, élégant, souriant.

- Louisianne ? Enchanté ! Je suis Ludovic, vous avez fait bon voyage ?

- Oui merci !

Il me prend ma valise et m’emmène à sa voiture. Une grosse voiture noire (je l’aurais parié). Puis je m’installe. J’ai eu le temps de le regarder un peu plus. Beaucoup de charme, pas un tombeur à proprement parler, mais un ensemble plutôt agréable à regarder, joli sourire, fossette. Des yeux noirs, des cheveux bruns coiffés en arrière. Un visage avec de petits défauts, ce petit truc auquel on s’accroche et qui rende l’ensemble agréable.

Ludovic me parle tout en conduisant, il me montre certains immeubles, me parlent de l’architecture de la région, je réponds. Puis il me dit “bon si on se tutoyait, ce serait plus simple !”

Je suis d’accord, puis nous arrivons dans la campagne, il me montre les vignobles, me parlent de crus que je ne vais pas retenir. Je suis sous le charme, de la région et de mon hôte, intéressant, charismatique.

Quand nous arrivons, il prend de nouveau ma valise. Muriel n’est pas là ! Mais elle fait quoi ? Il me demande si j’ai envie d’un thé avant qu’il ne me montre ma chambre. Je suis d’accord. Nous nous asseyons, je pose des questions sur le petit château, il me parle de l’historique, de son arrière grand père qui l’a acheté, de la décoration, comment ils ont fait des recherches pour le décorer comme à l’origine.

Je me dis que Muriel a beaucoup de chance d’avoir rencontré Ludovic ! Je comprends que l’on craque pour lui !

Ensuite il me montre ma chambre, comme dans les rêves, un grand lit, des tapis, une fenêtre qui donne sur le parc. Puis il me dit que je suis libre d’aller et venir où je veux, que l’on se retrouve à 19 h pour l’apéritif et un cours magistral avant le dîner.

Muriel arrive quand je sors de la douche, nous discutons à bâtons rompus. Puis elle m’emmène faire le tour du propriétaire et me parle des autres invités qui seront là. J’ai l’impression qu’elle vit un conte de fées.

C’est l’heure de l’apéritif. Les autres invités arrivent. J’ai un peu de mal avec le vin rouge. Et je sens que j’ai la tête qui tourne. Heureusement nous passons à table et boire en mangeant c’est mieux. Je suis en face de Ludovic. Plus le repas s’avance plus je m’aperçois que je n’écoute que lui, que je ne regarde que lui. Il parle à tout le monde, est charmant avec tous, ne laisse personne à part. Il lance toujours des sujets intéressants, a toujours une anecdote amusante à raconter.

Puis vient  le moment où nous retournons au salon pour le café. Soudain je sens une chape de plomb peser sur moi. Un grand vide, un trou noir, un grand cafard. Marre d’être seule avec tous ces couples.

Je me connais trop bien : on lit sur mon visage comme dans un  livre ouvert : “qu’est ce que tu as ? On dirait que tu portes le poids du monde sur tes épaules !” ou encore : “En une minute tu es devenue très triste comme si tu venais d’apprendre une mauvaise nouvelle”…

Alors pour cacher mon visage livre ouvert, je me lève et je vais respirer sur la terrasse. La nuit est chaude, le parc est magnifique, avec toutes ces petites lampes solaires, dans les buissons.

Soudain une présence, à côté de moi un homme s’est appuyée sur la balustrade :

- Louisianne, ça va ?

C’est lui, c’est Ludovic. Je disais quoi au début quand je l’ai vu ? Du charme, pas le plus beau… Je retire ce que j’ai dit !
Il est sublime ! Je suis fascinée par son regard noir posé sur moi.

- Oui ça va ! Juste envie de prendre l’air.

- Je ne t’ai pas ennuyée avec mes discours ?

- Oh non pas du tout ! (tu parles j’étais fascinée et ça devait se voir)… Au contraire, c’était intéressant !

- Oui bien sur ! Pas facile de rentrer dans une conversation aussi spécialisée ! On va essayer de changer de sujet au café !

Nous restons là encore sans rien dire. Je ne sais pas quoi dire… Où est Muriel ? Pourquoi elle ne cherche pas Ludovic ? Ou moi, tiens pourquoi pas.

Mais non qu’elle reste où elle est ! Je voudrais rester là des heures, je suis trop bien avec lui !

Puis il me dit “viens” et me prend par la taille pour aller dans le salon.

Ensuite je ne sais plus trop. Le café, écouter les autres. La tête qui tourne, les idées pas très claires, des petites bulles qui montent au cerveau.

Je me souviens d’avoir dit bonsoir, tout le monde va se coucher, en se disant à demain.

J’arrive dans ma chambre. Passage à la salle de bains, J’ouvre ma valise, j’ai pris quoi pour dormir ? Une chemise de nuit, non tant pis je dors sans, il fait chaud, et dans ma tête aussi.

Comment je vais trouver le sommeil ? J’ai son visage devant les yeux, dès que je les ferme. Je tourne, je vire, je donne des coups de poings dans mon oreiller.

Je n’ai pas les idées claires, ça se bouscule… J’ai bien fermé la porte à clé ? Mais non pas de clé, je ne suis  pas à l’hôtel, je suis dans  une maison invitée par des amis…

Dormir ? Non impossible, je ne pense qu’à… Il me faut quelque chose, un canard vibrant, n’importe quoi… Et dire que Muriel…

NON ne pas penser à ça ! 

Essayer de me rappeler ce que j’ai appris ce soir… Ah mais quels yeux, et ce parfum, je le sens encore !

Je suis là sur mon lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité.

Et la porte de ma chambre s’ouvre et quelqu’un entre…