lampe_2Le soir même je me précipitais sur mon stylo, j'écrivis comme ces soirs de jeunesse où je voulais tout écrire dans mon journal, vite pendant que l'émotion était encore là.

Il m'avait dit qu'il allait prendre la route aussitôt après notre rencontre et je savais ce qu'il verrait sur l'écran noir de son pare-brise : il allait tout revivre.

Les jours suivants je redevins la jeune fille rêveuse que je n'ai sans doute jamais cessé d'être. Avec mon baladeur, je parcourais les collines, sur ma bicyclette je m'envolais. J'étais heureuse, souriante, sociable.

J'ai tout revécu. J'ai même réalisé que je l'avais vu pour la dernière fois devant sa maison, à l'endroit même où nous avons parlé. Les images revenaient.

C'était une belle histoire. De celles que l'on doit vivre vite et fort, parce qu'on sait qu'elle est sans avenir. J'avais 20 ans, je manquais de confiance en moi, je pensais n'être pas suffisamment jolie ou pas assez ceci ou cela.  Il en avait 7 de plus. Il n'était pas marié, mais pas libre. Tout nous séparait. Il n'aimait que la campagne, je ne peux vivre qu'en ville. Je faisais des études, il changeait de job depuis des années et vivait souvent au crochet. Il était sensible, romantique, délicat et il a été très important dans ma vie parce qu'après lui je n'avais presque plus de complexes. Une sorte de Pygmalion. Toute rêveuse que j'étais je restais lucide. Je n'étais pas du genre à penser qu'il avait toujours raison parce qu'il était plus vieux, je n'étais pas malléable.
Une belle histoire que l'on vit vite et fort. Après la séparation de la première année, les suivantes ont été un jeu du chat et de la souris : je te quitte, puis à la rencontre suivante : tu fais quoi ce soir on peut se voir, puis cette fois c'est bien fini !
Puis il était parti définitivement, sa maison a eu un panneau à vendre. Du moins je l'ai cru jusqu'à ce jour de 1994 où j'ai appris que son frère avait finalement racheté la maison dans laquelle il n'était pas venu depuis 11 ans.

Je l'ai attendu, j'ai rêvé à ce qui aurait être. Au mois d'août déjà, je ne l'attendais presque plus. J'avais refait le chemin à l'envers.

Il n'est pas venu. Je n'ai pas eu trop de regrets. Je l'avais revu c'était l'essentiel. À tant pis.... À plus tard...

Pourtant encore une fois il m'a aidée. Son regard sur moi a été bénéfique. En particulier son étonnement de me voir seule ce soir là, ce mari absent.
Cet événement m'a donné le courage de prendre le taureau par les cornes ! Mais qu'est ce que je fais de ma vie alors que j'ai vécu de si belles choses ?

J'ai divorcé peu après.