Je suis en vacances… chez moi. Si tout s’était passé comme prévu, je serais partie vendredi avec Martine pour la Sauvageonne et nous aurions fêté l’anniversaire d’Athéna tous ensemble. Enfin ma famille et moi. Oui je rappelle que pour simplifier et dans ma tête, ma famille ce sont mes filles et gendres, ma tribu c’est ma mère et ma fratrie.

Mais voilà tout ne se passe pas comme prévu. J’ai gardé mes congés pour ranger chez moi.

Jeudi je vais descendre pour passer deux jours à la Sauvageonne et ensuite j’irais chez Athéna et Jim.

Je continue à aller voir Martine tous les jours à l’hôpital. Elle mange peu, elle est toujours nourrie par un tuyau. Côté corps ça se stabilise, mais c’est toujours le désordre dans sa tête. Elle sait où elle est, mais n’a aucun repère dans le temps, ni le jour, ni l’heure, et nous raconte des histoires abracadabrantes où passé et présent se mêlent. Nous allons demander à ce qu’elle voit un psychiatre, car c’est difficile au bout de 6 semaines de croire encore à des suites d’anesthésie.

Malgré cela nous gardons espoir, il le faut. Car c’est déjà dur. Je me souviens d’un soir où je pleurais au volant de ma voiture, en partant de l’hôpital.

Découragement, déprime, fatigue, colère intérieure parfois :

- mais bon sang, rendez-nous notre mère ! Qu’est ce que vous lui avez fait ?

Ou l’envie parfois de lui dire, même si c’est impossible :

Maman, d’accord c’est dur pour toi, mais pour nous aussi ! Nous sommes épuisés, nous sommes là tous les jours, et nous nous inquiétons pour toi, nous avons pleuré, passé des nuits blanches, et ce n’est pas fini ! Et toi tu te comportes comme une gamine, tu nous reproches de nous être débarassés de toi, et tu fais la comédie pour qu’on t’emmène alors que c’est impossible !

Et la ” vraie ” Martine comprendrait cela ! Elle ne serait pas comme ça, elle nous dirait même : ça va, tu n’es pas fatiguée ? Va te promener si tu veux ! Ce n’est pas grave si tu ne viens pas tous les jours. Et comment vont tes enfants ?

Elle le dit parfois, en mélangeant les prénoms, en me parlant de mon fils !

Car même si toute notre énergie nos pensées sont tournées vers elle : que va t-ellle devenir ? Souffre t-elle ?
A t-elle conscience de ses maux ? Est ce que ça valait le coup toutes ces souffrances si elle y a laissé son esprit ? Elle détesterait être dépendante !
D’ailleurs elle ne veut pas qu’on la touche, qu’on la lave, comment pourrait-elle aimer ça avec l’éducation qu’elle a eu et sa pudeur ?

Oui même si toute nos pensées sont tournées vers elle, il y a les moments d’égoïsme, comme dans tout deuil, car c’en est un :

Et nous ? Nous n’avons plus de mère, du moins pas une mère normale ! Quelle vie nous attend si elle doit être en maison, comment alons nous payer tout ça ? Qui serons ceux qui ” ne lâchent rien ” et ceux qui vont se décourager d’aller la voir ? Comment sera le prochain Noël, sera t-elle une présence à peine consciente de ce qui se passe ?

J’ai pris de jolies photos d’arbres en fleurs dans un parc à Paris. Il faut rester optimiste. ça ira, Ça va aller. C’est le printemps.

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