Un jour quelque part,

Chère Lise,

Il est loin le temps où nous étions inséparables !

Parfois j’aimerais revenir en arrière !

Le temps a passé ! Nous étions des jeunes filles insouciantes ! Ensemble nous avons usé les chaises du lycée, recopié les emplois du temps des garçons qui nous intéressaient !

Nous nous racontions tout ! Nous étions pourtant différentes : je t’appelais en riant “cœur d’artichaut” ! Tu ne supportais pas d’être seule, et tu tombais amoureuse toutes les trois minutes. Tu courrais toujours après la même chose : plaire à tout prix, car tu étais persuadée de ne pas plaire. Mais aucun homme n’aurait pu te donner ce que tu cherchais : t’aimer toi même, tu ne savais pas le faire !

Tu avais aussi un côté narcissique qui me dérangeait : tu passais trop de temps devant le miroir, tu nous retardais toujours quand on sortait. Et une fois dehors la chose ne s’arrangeait pas : tu passais ton temps à essayer de capter ton image dans un miroir, dans une petite cuillère, dans une vitrine et à te plaindre : “oh lala je suis horrible”.

Je ne suis pas comme ça !

 Bien sûr jeune, je voulais plaire comme tout le monde, mais je n’en faisais pas une obsession ! J’avais plus envie de vivre que de me regarder dans un miroir ! De même je ne faisais pas une maladie si je passais deux mois sans un Jules. Je n’avais pas besoin d’être casée à tout prix pour exister !

Puis le temps a passé. J’ai épousé mon premier amour, Jean-Louis, celui que l’on oublie jamais. Toi tu t’es mariée aussi, mais pas avec celui que tu aurais voulu.

Nous avons tout fait pour rester inséparables ! Nous avons présenté nos maris l’un à l’autre, et nous avons eu la chance d’avoir nos enfants ensemble, deux garçons chacune qui ont à peu près le même âge !

Et puis un jour alors que nous avions 35 ans et le malheur t’a frappée ! Ton mari a été atteint d’une maladie grave, incurable.

Ces deux années de calvaire, je t’ai soutenue. Je t’ai gardé tes enfants, j’ai essayé de t’inviter souvent pour te changer les idées. Tes parents étaient loin, ce n’était pas toujours facile.

Tu me disais : “ Ah mon Aube, tu portes bien ton prénom, que deviendrais-je sans toi ? Tu es mon soleil levant, celui qui me donne envie de me lever le matin ”

Puis tu as commencé à aller mieux ! Et tu t’es mise à sortir, à aller de nouveau, en boîte, dans les bars, à t’inscrire sur des sites de rencontres. J’avoue que j’ai été un peu déçue !

Je pensais que te marier, avoir des enfants, t’avait mis un peu de plomb dans le crâne !

Vouloir refaire sa vie, ça ne me choque pas, mais redevenir le cœur d’artichaut que tu étais, ça m’a plutôt étonnée !

Tu recommençais à collectionner les aventures, tu voulais me raconter, et tu aurais voulu que moi aussi je vienne avec toi danser.

Je t’ai dit non, moi j’étais heureuse avec mon mari, j’avais passé l’age de draguer en boîte, et puis ça me lassait tes histoires !

Tu serais tombée amoureuse, je t’aurais écouté avec joie, mais là, comment dire, c’était différent !

 Bien sûr nous parlions quand même de nos vies de femmes, de nos enfants. Mais toi tu restais quand même assez égocentrique et narcissique, et ça aussi ça m’étonnait.

Nous prenons un peu de distance sans nous en rendre compte. Puis un jour tu me dis que tu es avec un homme. Tu es toute heureuse, même si il habite à 200 kilomètres de chez toi, et qu’il voyage pas mal à cause de son travail.

Au bout d’un an tu me le présente, je vous invite à manger à la maison. Je lui pose beaucoup de questions sur sa ville, son travail, ses déplacements. Il a l’air assez mal à l’aise et je m’excuse et je lui dis que je suis comme ça, je m’intéresse aux gens, je pose des questions.

Puis la Saint Valentin arrive. Tu me dis que tu as envie de lui faire une surprise, et tu me demandes si je peux garder tes enfants. Tu as prévu de prendre le train après le travail et d’aller le surprendre. Tu sais qu’il n’est pas en déplacement, et il t’a dit qu’il est trop fatigué pour t’appeler, mais qu’il se rattrapera plus tard.

Une fois que tu es partie, je réalise presque étonnée que n’es jamais allée chez lui. C’est toujours lui qui s’est déplacée. Je commence à avoir des soupçons et à me dire que tu n’es pas assez méfiante.

Et donc Lise est arrivée dans la ville de son amant !

Après bien des péripéties, Lise a trouvé où habitait son amant. Bien sûr elle ne lui a jamais demandé : elle savait qu’il habitait un appartement ! Mais elle l’avait trouvé sans difficulté dans l’annuaire, les hommes sont parfois naïfs !

Lise se retrouve un peu étonnée dans un lotissement de maisons, entourées de parcs, de grandes allées. Elle se dit que peut-être il y a un petit immeuble caché au milieu, ou qu’une maison peut être divisée en appartements !

À sa grande surprise Lise se trouve devant une maison. Elle est sur le trottoir d’en face de la maison, légèrement cachée par des arbres, dans un petit square. En fait elle s’est trompé de côté de rue. Elle regarde la maison, plus le plan qu’elle a dans la main, lève le nez pour voir le numéro. 32, c’est bien ça ! Pas d’erreur possible. À ce moment, elle entend la porte du numéro 31 s’ouvrir, et voit sortir une femme élégamment vêtue, et SON homme !

Oui SON homme !